Civil War
Sortie:
17/04/2024
Pays:
USA
Genre:
Durée:
109 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Civil War

Verdict: Excellent

par: Emmanuel Galais



Dans un futur proche, une équipe de journalistes voyage à travers les États-Unis au cours d'une guerre civile qui s'intensifie rapidement et qui a englouti le pays tout entier, luttant pour survivre dans un futur proche où le gouvernement est devenu une dictature dystopique et où les milices extrémistes partisanes commettent régulièrement des actes politiques et de violence.


Alors voilà un film qui avant même sa sortie en France et dans le monde est précédé d’une polémique, dont le réalisateur tente de s’extirper comme il le peut. « Civil War », imagine une époque où les Etats-Unis sont divisés en deux camps qui se font une guerre sanglante et où des Reporters de Guerre, tentent de rejoindre le Nord pour y interviewer ce fameux président, qui en est à son troisième mandat (La législation Américaine n’en n’autorise que deux) et dont on comprend vite de quel camp il se trouve, notamment parce que ses partisans livrent une guerre sans pitié à ceux qui ne représentent pas, à leurs yeux, des « Américains ». Dans sa note d’intention, Alex Garland, à qui l’on doit notamment « Ex-Machina » en 2014 ou encore « Annihilation » en 2018, mais qui a également travaillé pour Danny Boyle en tant que scénariste sur des films comme « 28 jours plus tard » (2002) ou encore « Sunshine » (2007), voulait rendre hommage aux grands reporters de guerre qui parcourent les conflits tout autour de la planète, pour en rapporter des photos qui témoignent des horreurs des conflits, afin qu’on en tire des leçons. 


Des leçons pas toujours comprises, surtout, à l’aube d’une éventuelle et très possible réélection de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, et dont les discours sont aussi effrayants que les hordes de fous furieux qui le suivent et le soutiennent. Et inévitablement, lorsque l’on regarde ce film, les deux camps et la mise en scène autant que le scénario, il est quasiment impossible de ne pas faire le parallèle, avec les inquiétudes que suscitent le retour de l’homme à la moumoute dorée, à la tête de l’une des plus grandes puissances mondiales, dans un climat géopolitique particulièrement tendu. Le réalisateur nous plonge en effet dans un climat anxiogène avec un sens remarquable de la mise en scène, où les sonorités autant que les plans larges d’un pays dévasté par une guerre civile, où chaque maison isolée devient un danger potentiel et où les pires horreurs sont commises au nom de la valeur et de la notion « Américaine » : « Make America Great Again ».


En fait, le film se lit en deux lignes de lectures, la première énoncée plus haut et la deuxième, dans laquelle les reporters de guerre, continuent d’être témoin d’une guerre sanglante, où les cadavres jonchent les rues, et où les combats font rage dans le cœur des villes. Avec cette fois-ci, une notion supplémentaire, celle de se poser des questions ! Car, la première règle des reporters de guerre étant de ne surtout jamais se poser de questions éthiques, mais d’être présent au bon moment pour faire la photo ou l’image qui attrapera l’horreur, où le témoignage directe et inattaquable sera présent au centre de l’objectif. Mais lorsqu’il s’agit de son propre pays, de ses concitoyens, ou tout simplement de ses voisins, de ceux qui, normalement, pensent et répondent aux mêmes valeurs que vous, tout change subitement et le métier de témoin du mal, devient subitement plus difficile à vivre, même s’il amène toujours cette adrénaline qui porte ces courageux ou inconscients journalistes.


Le fait est que « Civil War » est un film dans lequel le réalisateur Alex Garland fait preuve d’une véritable sensibilité et d’un véritable sens de l’observation qui amène son scénario à ne rien laisser au hasard et où les personnages, les plus distants de son histoire, se retrouvent sous l’emprise psychologique des horreurs dont ils sont les témoins. Le film joue beaucoup sur les sonorités, sur les différences de rythme et ne s’empêche jamais de mettre face à face le spectateur et les dérives d’idées faussement valorisantes, qui sous les esprits les plus perfides deviennent les bases de l’horreur. Le Rwanda, le Kosovo et bien d’autres encore, devraient pourtant être des leçons que nous aurions dû apprendre. Mais le film et la réalité, créant, par le biais de l’actualité, un sombre parallèle, la réponse n’est pas forcément rassurante, et un  d’anticipation, qui pouvait être tout simplement divertissant, devient subitement une histoire d’une justesse remarquable, dont chaque personnage apporte son lot de nuances et de réflexions.