Palmarès des Césars 2020

C’était annoncé depuis des semaines, mais cette Cérémonie des Césars ne serait pas comme les autres et force est de constater qu’elle a tenu ses promesses. Et nous pourrions nous en réjouir, si le pathétique et le cynisme n’était venu gâcher la fête de cette cérémonie qui a vu couronner de jeunes réalisateurs qui ont eu l’intelligence de se rappeler que la France ce n’était pas seulement des gens en tenue de soirée et en costumes qui s’autocongratulaient, mais plutôt un pays en nuance qui souffrent de maux d’une société industrialisée qui pousse sous le tapis la poussière du sale et de l’horreur.

Pourtant, tout avait bien commencé, avec une Florence Foresti très en forme qui, avec beaucoup d’intelligence, a tout de suite recadré tout le monde sur son siège. Rien n’allait être évité, encore moins la place des femmes et le harcèlement dont elles sont victimes. Avec une chorégraphie sur le thème du « Joker » qu’elle conclue en inversant les rôles du harcèlement : « Léo tu as très bien dansé, tu viendras me voir dans ma loge après… », le ton est donné et l’humoriste de conclure : « On va avoir 12 problèmes ! Il va falloir parler du cas « Popol », Atchoum ! », l’actrice aborde ainsi le malaise des 12 nominations pour le film de Polanski. « Allez vous faire enculer, il est hors de question que j’assume ça toute seule… » lance-t-elle dans un éclat de rire général mais gêné. Foresti ne lâchera plus rien de cette condition des actrices dont elle est une des représentantes. Polanski ne fut pas d’ailleurs la seule cible de la maîtresse de cérémonie, puisque sans le nommer, elle décocha une flèche acide envers Patrick Bruel, lui aussi visé par une affaire, lors d’une séance de massage en Corse. 

- « Non mais je voudrais prendre la défense des hommes quand même : Quand un acteur français demande un massage et qu’il se met tout nu c’est qu’il a chaud, évidemment ! ».

Malaise, donc, à tous les étages de la maison cinéma français. Un malaise qui aura fait de l’ombre à l’autre polémique qui fit se fissurer la demeure du 7ème art hexagonale : « Le manque de représentativité des artistes issus de l’immigration ». Un débat qui devrait être prit en main par les têtes pensantes, car, on ne peut aimer les beaux discours et ne pas vouloir voir des gens noir, arabes ou asiatiques s’asseoir à nos côtés. Comme le disait si bien Aissa Maïga (Même si son discours maladroit n’eut pas l’effet escompté !), tout ces jeunes qui rêvaient de se reconnaître dans ces cérémonies, n’y voyaient jamais des gens avec la même couleur de peau ou venant des mêmes origines. Un débat tout aussi important que l’impunité dont bénéficient certains acteurs, producteurs ou réalisateurs.  Il ne faut pas que le sacre de Ladj Ly ou celui de Papicha et de son actrice principale ne soit qu’anecdotique. Ce type de questionnement ne devrait même pas avoir lieu dans un pays qui revendique sa pluriculturalité !!! Encore plus lorsque le racisme se libère de ses chaines par la montée fumeuse des populistes qui racolent à tour de bras, même lorsque l’on parle d’un virus venu d’Asie (Les grands oubliés silencieux de ces revendications et de ces représentativités !)

Tout semblait donc bien parti, car les lauréats montraient que le choix des votants avait pris en compte cette diversité et la souffrance des victimes de prédateurs, faisant voler en éclat toutes ces nominations attribuées au film de Roman Polanski. Mais voilà, alors que la cérémonie touchait à sa fin, le drame qui couvait à finit par avoir lieu. Lorsque le nom du meilleur réalisateur est donné. Adèle Haenel quitte la salle suivit de Céline Sciamma la réalisatrice de « Portrait de la jeune fille en feu ». L’annonce est si fracassante et honteuse que Florence Foresti ne remontera pas sur scène et laissera la présidente Sandrine Kiberlin dans l’embarras. Les déclarations se suivront après la cérémonie.

Pourtant, cette 45ème édition voyait le sacre d’un film remarquable d’intelligence et de subtilité : « Les Misérables ». il voyait aussi le triomphe d’un cinéma qui a envie de parler de sujets forts mais sans condescendance, qu’il soit des banlieues, de la bourgeoise chrétienne ou issu de l’immigration.

Lorsque l’on aime le cinéma, comme votre serviteur, de manière viscérale, qu’il tient une place importante dans notre vie et dans notre cœur, nous ne pouvons que nous émouvoir de ce visage crasse qu’il montre, comme un doigt d’honneur à la souffrance, comme un crachat aux visages, des femmes évidemment, mais pas seulement, à ceux dont la couleur de peau n’est pas tout à fait blanche, il se repaît des douleurs des uns pour se glorifier et saluer même les plus obscurs couards de son sérail. Sous couvert de différencier l’artiste de l’homme, les votants ont simplement fait perdurer une hypocrisie latente et n’ont pas su assumer des débordements, comme lorsqu'un acteur giflait une actrice lors d'un tournage, pas plus que lorsque un réalisateur avait fuit un pays dans lequel il avait été condamné pour viol sur mineure, bien au contraire, on continua de  lui dérouler le tapis rouge, pas étonnant alors qu'il se porte en victime et que son équipe enrôlée consciemment ou non ne fasse qu'enfoncer le clou de cette ambiguïté malsaine en n'étant pas présente. Le talent de l'artiste ne doit pas le soustraire à ses obligations et ne lui octroie aucun droit de cuissage. L’impunité doit être sanctionnée à tous les étages d’un art fédérant et qui se doit d’être responsable pour mieux faire passer les messages.

Le Palmarès complet :

Meilleur film : Les Misérables de Ladj Ly


Meilleur réalisateur : Roman Polanski pour J'accuse

Meilleure actrice : Anaïs Demoustier pour Alice et le maire

Meilleur acteur : Roschdy Zem pour Roubaix, une lumière

Meilleur acteur dans un second rôle : Swann Arlaud pour Grâce à Dieu

Meilleure actrice dans un second rôle : Fanny Ardant dans La Belle Epoque

Meilleur espoir féminin : Lyna Khoudri pour Papicha

Meilleur espoir masculin : Alexis Manenti pour Les Misérables


César du public : Les Misérables de Ladj Ly

Meilleur premier film : Papicha de Mounia Meddour

Meilleur documentaire : M de Yolande Zauberman

Meilleur film étranger : Parasite de Bong Joon-Ho

Meilleur scénario original : Nicolas Bedos pour La Belle Epoque

Meilleure adaptation : Roman Polanski et Robert Harris pour J'accuse

Meilleurs costumes : Pascaline Chavanne pour J'accuse

Meilleurs décors : Stéphane Rozenbaum pour La Belle Epoque 

Meilleur film d'animation : J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin

Meilleur court métrage d'animation : La nuit des sacs plastiques de Gabriel Harel

Meilleure musique originale : Dan Lévy pour J'ai perdu mon corps

Meilleur court métrage : Pile poil de Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller

Meilleure photographie : Claire Mathon pour Portrait de la jeune fille en feu

Meilleur montage : Flora Volpelière pour Les Misérables

Meilleur son : Nicolas Cantin, Thomas Desjonquières, Raphael Mouterde, Olivier Gonnard et Randy Thom pour Le Chant du Loup