L’histoire :
Un ophtalmologue homicide prélève des yeux pour sa sinistre collection.
Critique subjective :
Connu davantage pour ses comédies (Jambon, Jambon en tête), Bigas Luna s’est néanmoins illustré avec brio dans d’autres genres et notamment le thriller horrifique. La preuve avec Angoisse, une pépite datant de 1987. Analyser Anguish, c’est nécessairement en décortiquer le script. Précisons donc, avant d’aller plus loin, que le paragraphe suivant dévoile des éléments clés de l’intrigue.
Tout commence avec l’histoire d’un ophtalmologue fou (Michael Lerner) et de sa mère possessive (Zelda Rubinstein). L’ambiance, bizarroïde, évoque autant le mouvement surréaliste que le cinéma de David Lynch. On ne sait où la chose va nous mener. Au bout d’une vingtaine de minutes, c’est le choc : tout ce que nous venons de voir n’était qu’un film dans le film, ce qu’aucun indice n’avait laissé présager. Le métrage s’intéresse maintenant à deux adolescentes venues au cinéma pour découvrir le film auquel nous assistions (The Mommy). Surprise, Angoisse continue alors sur la même lignée, alternant entre les deux jeunes filles dans le cinéma et le métrage qui y est projeté. Nous voici en train de voir un film dans lequel des gens visionnent un film. Etrange, mais c’est pourtant loin d’être fini. Voilà que le personnage principal de The Mommy se rend lui-même dans un cinéma où est projeté un autre film (Le monde perdu, version 1925). La situation devient encore plus bizarre. Nous visionnons désormais une œuvre (Angoisse) dans laquelle les personnages (les adolescentes) assistent, au cinéma, à la projection d’un film (The Mommy) dont le principal protagoniste (l’ophtalmologue dément) regarde lui-même, dans un cinéma, un autre long-métrage (Le monde perdu). Pour couronner le tout, l’action de The Mommy va peu à peu déteindre sur celle d’Angoisse. Un étourdissant jeu de miroirs. On imagine à quel point la chose a du être troublante pour ceux qui ont eu la chance de découvrir Angustia en salle.
Multipliant les mises en abîme et les strates narratives, imbriquant fiction et réalité intradiégétiques, Angoisse est une expérience singulière et perturbante. Œuvre schizophrène et claustrophobe, le film de Bigas Luna n’a de cesse de repousser les limites de son concept et s’impose comme un véritable tour de force cinématographique. Loin de se fourvoyer dans un discours simpliste (qui voudrait que le grand méchant cinéma d’horreur soit un ignoble pousse au crime), le cinéaste catalan livre plutôt une brillante réflexion sur le pouvoir de l’image et la notion de « réalité fictionnelle ». Vertigineux.
Verdict :
Œuvre folle mais parfaitement maîtrisée, Angoisse mérite le détour.