En Angleterre, au début du XXe siècle, Lucy Muir, une ravissante et jeune veuve, décide de s'installer au bord de la mer avec sa fille et sa servante dans un cottage réputé hanté par le fantôme du capitaine Gregg. Loin d'être terrorisée, elle est au contraire fascinée à l'idée d'habiter avec ce fantôme. Un soir, il lui apparaît...
Avant de réaliser le péplum qui faillit mettre fin à sa carrière et qui le fit au contraire entrer dans la légende : « Cléopâtre », Joseph L. Mankiewicz mit en image l’histoire extraordinaire d’une veuve qui vient se réfugier dans un cottage au bord des côtes anglaise avec sa petite fille et sa servante contre l’avis de sa belle-famille, et qui va se lier d’amitié avec le fantôme d’un capitaine, qui hante les lieux. Loin d’être un film fantastique mineur, « L’aventure de Mme Muir » est un film éblouissant de maitrise où le spectaculaire n’a pas sa place. Tout y est intime, presque minimaliste et en même temps précis dans la retranscription d’un Londres du début du siècle dernier.
Cette adaptation du roman de R.A. Dick décrit avec beaucoup d’intelligence le destin de cette femme quasi sans le sou depuis la mort de son mari, qui subsiste grâce à une faible pension que lui a légué son défunt époux, mais que la fierté va pousser à affronter les épreuves avec courage. Une détermination que l’on sent dès les premiers instants de la rencontre entre Muir et le Capitaine Cregg. Là où n’importe qui aurait fui la maison, la jeune femme se redresse et ordonne au fantôme de se montrer et de s’expliquer. Une première rencontre qui va faire naître une sorte d’amour impossible de ce fantôme pour Mme Muir.
Leur rencontre va d’ailleurs permettre au scénariste d’imposer quelques idées convenues de l’époque sur les capacités littéraires des femmes, lorsque celle-ci se présente chez l’éditeur, on ne lui parle que de livres de cuisines, ou de fadaises destinées aux femmes d’intérieurs. « L’aventure de Mme Muir » est une œuvre remarquable de Joseph L. Mankiewicz, qui filme avec précision et inventivité cette étrange relation entre une jeune veuve et un fantôme. Le réalisateur offre une réflexion sobre et pourtant marquante sur la solitude, la mort, les déceptions et la détermination qui nait des grands espoirs. Jamais dans l’excès, malgré une musique de Bernard Hermann un peu imposante, Mankiewicz impose un style, qui n’est pas sans rappeler le travail d’Orson Welles, avec des lumières parfaitement travaillées pour mieux imposer le mystère des plans inventifs qui donnent un certain relief à la narration.
D’ailleurs, le casting est aussi l’une des raisons de cette réussite, à commencer par le duo Gene Tierney (Laura) et Rex Harrison (Cléopâtre). L’actrice est lumineuse et s’affirme en femme blessée par la solitude et la mauvaise fortune et déterminée, même si parfois hésitante, à affronter les épreuves, y compris celle de se lier avec un fantôme. Le comédien déjà habitué à travailler avec Mankiewicz, impose une narration parfois théâtrale mais tellement touchante, notamment lorsqu’il décide de laisser Mme Muir vivre sa vie. Le comédien met toute sa force Shakespearienne au service de ce personnage paradoxale, qui existe entre la vie et la mort.
En conclusion, « L’aventure de Mme Muir » est le quatrième film de Joseph L. Mankiewicz, mais déjà une grande réussite avec une mise en scène soignée et inventive, qui trouve toute sa force dans la qualité de son interprétation.