1967 - 1976. La rencontre de l'un des plus grands couturiers de tous les temps avec une décennie libre. Aucun des deux n’en sortira intact.
Alors que Jalil Lespert s’intéressait au mythe de manière plus conventionnelle avec une narration précise et un goût de la reconstitution la plus minutieuse possible, Bertrand Bonello a décidé de s’intéresser à une décennie qui a vu naître le génie absolu dans sa partie la plus sombre. A la fois génial et terriblement psychotiques, avec l’aide notamment des produits stupéfiants de tous horizons, Yves Saint Laurent avec encore plus de nuance que dans le film de Lespert. A la fois tendre, émouvant et atirant il devient en quelques secondes repoussant, dangereux presque malsain, alors que son art est toujours aussi brillant de milles feux. Tout en sobriété, le couturier s’anime, s’illustre avec des collections toujours plus inventive, d’une sobriété rare et d’une élégance évidente.
Et si Bonello, reconnaît ne pas avoir voulu être au plus prêt de la biographie officielle, cela ne se voit pas dans sa narration, qui n’est pas sans rappeler celle de Joan Sfar dans son « Gainsbourg, Vie Héroïque », avec un style un peu décousue et pourtant si maîtrisée des obsessions présentes qu’elles soient réelles ou fictive une mise en image du psychisme du couturier redoutablement inventif et original et un scénario finement ciselé. Du coup, il s’interresse au côté sombre de Saint Laurent en évoquant ses expériences narcoleptiques et sexuelles et sa lente descente aux enfers dans Jacques De Bascher. Sans oublier le combat de Bergé pour faire de Saint Laurent le génie qu’il mérite d’être quite à le contrôler pour mieux le faire briller.
En signant une mise en scène à la foi sobre et bougrement psychédélique, le réalisateur donne à son « Saint Laurent » une couleur bien particulière qui ne manque pas de brillance, ni de d’intelligence. Avec un scénario qui s’amuse à comparer les époques, à les mettre en opposition en les confrontant à leurs paradoxes, il signe une œuvre magnifique rarement aussi bien en accord avec son sujet et la grandeur du couturier.
Pour cela, il trouve en la personne de Gaspard Ulliel (La princesse de Montpensier) un acteur à la hauteur de son personnage. Si Pierre Niney signait un Saint Laurent très académique de mimétisme, le comédien lui plonge dans l’âme du couturier pour faire ressortir avec une rare justesse un personnage tout en nuance. Le comédien parvient même à se faire oublier et à donner une nouvelle image du maître. En Face Jérémie Rénier (L’enfant) incarne un Pierre Bergé ferme, amoureux, détaché et pourtant si proche de son génie, et Louis Garrel (La belle personne), toujours précis dans ses compositions nous emmène dans le côté obscure de Saint Laurent avec une froideur maîtrisée tout aussi remarquable.
« Saint Laurent » peut-être considérée à juste titre comme un œuvre majeure sur le grand couturier que fut Yves Saint Laurent. Absolument pas concurrentielle de son prédécesseur, Bertrand Bonello signe une œuvre magnifique de sobriété et de psychédélisme assez fidèle à l’œuvre et à l’esprit de Saint Laurent.