Le criminel Ben Wade est capturé dans une petite ville. Cela n'empêche pas son gang de sévir, mais on persuade Dan Evans, un éleveur, de convoyer en secret le dangereux hors-la-loi (et désormais prisonnier), par le train de Yuma pour une prime et l'estime de son fils. Très vite se met en place une guerre des nerfs alors que les deux attendent le train dans un hôtel.
« 3h10 pour Yuma » est certainement l’un des films le plus marquant de la carrière du réalisateur Delmer Daves (Les Passagers de la nuit). D’abord parce que le réalisateur s’illustre dans un style qu’il affectionne particulièrement et qu’il lui donne ses lettres de noblesse par une utilisation minutieuse de la lumière dans la mise en scène. Le réalisateur signe ici une œuvre dont l’atmosphère baigne dans une sorte de pression permanente, avec une esthétique épurée. Si l’on compare avec le remake signé James Mangold en 2008, l’original brille par de grands espaces vides, où la lumière impose un rythme et une ambiance pesante. Très peu de figurations viennent alourdir l’ensemble et donne, au contraire, une impression angoissante que toute vie s’est cachée pour laisser place au duel qui doit se jouer dans la petite ville de Contention.
Porté par un scénario de Halsted Welles (La colline des potences), venu au cinéma, comme le réalisateur un peu par hasard, le film suit presque de manière obsessionnelle l’évolution de l’intrigue imaginée par Elmore Léonard (Be cool). On y retrouve tous les codes du genre : Des cow-boys hors la loi, en bande qui s’attaquent aux diligences, un autre solitaire qui veut protéger son troupeau et se retrouve à la tête d’une mission périlleuse par son courage et son honnêteté, et bien sûr la femme apeurée et fier de son homme qui attend l’issue de cette aventure. On comprend alors immédiatement que le réalisateur a toutefois voulu y mettre une touche plus personnelle avec des personnages moins caricaturaux qu’ils n’y paraissent, sans pour autant briser les valeurs du genre. Ainsi, le héros est d’abord présenté comme quelqu’un de redoutablement normal, presque peu courageux puisqu’il refuse d’intervenir face au crime commis devant lui par la bande de hors la loi. Ou alors la femme qui ne comprend pas forcément le choix de son mari, même si elle l’accepte par devoir. Le scénario a toutefois l’intelligence de ne pas nous assommer de grands monologues, comme il était fréquent à l’époque, mais au contraire, il donne des répliques assez justes et parfois touchantes aux personnages, y compris les plus légers comme celui des enfants qui ne manquent pas une occasion de parler de courage et de droiture, même lorsqu’ils sont face aux méchants.
Mais « 3h10 pour Yuma » brille surtout par une distribution qui suit une logique précise dictée par le réalisateur. A commencer par un
Glenn Ford (Cow Boy) saisissant de vérité et de lyrisme en chef de bande sans état d’âme mais à l’honneur intacte. Le comédien assume un style très nuancé entre charisme et froideur. L’acteur affine son rôle et impose un personnage inquiétant et charmant à la fois, tout en ambiguïté et en force. Et puis bien sûr il y a
Van Heflin (L’homme des Vallée perdues) moins connu, mais tout aussi précis dans un jeu difficile entre courage résigné et valeurs assumées. L’acteur est remarquable de précision et de sensibilité dans ce personnage qui voit sa vie bouleversée par un événement qu’il ne maîtrise pas forcément.
En conclusion, « 3h10 pour Yuma » est assurément, un film réussit qui brille par une mise en scène précise et minutieuse, dont le réalisateur est injustement oublié des grandes heures d’Hollywood, alors qu’il signe certaines des grandes réussites du genre. La distribution est remarquable d’inspiration y compris les seconds rôles.