Le Paris des années 20. Marguerite Dumont est une femme fortunée passionnée de musique et d’opéra. Depuis des années elle chante régulièrement devant son cercle d’habitués. Mais Marguerite chante tragiquement faux et personne ne le lui a jamais dit. Son mari et ses proches l’ont toujours entretenue dans ses illusions. Tout se complique le jour où elle se met en tête de se produire devant un vrai public à l’Opéra.
Pour les amateurs de musique classique et d’opéra particulièrement, l’histoire de Florence Foster Jenkins reste un mystère et une curiosité souvent risible. Puisque cette milliardaire ayant vécue dans les années 30-40 s’était persuadé d’avoir un don pour l’art impérial et rigoureux du chant lyrique. La richissime Américaine balayera d’un revers de la main magistrale toutes les critiques et tous les rires qui parsemaient son parcours, jusqu’à son ultime concert au Carnegie Hall en 1944. Une histoire qui ne manqua pas d’inspirer le réalisateur Xavier Giannoli (Superstar) qui y vit l’occasion de peindre un personnage, certes en décalage avec la réalité, mais également fort d’une grande naïveté et d’une infinie tendresse qui la rendait peut-être et très certainement attachante. La photo de la chanteuse telle qu’on la voit encore sur le cd « The Glory ( ???) of the human voice », inspira d’ailleurs au réalisateur toute cette intrigue et cette tendresse, car la richissime femme y apparaît engoncée dans une robe de soie surplombée de deux ailes et d’un diadème enfantin qui la rende à la fois tendre et naïve.
Et c’est toute la force de la mise en scène et du scénario de Xavier Gianolli que d’aller creuser au-delà de cette image un peu naïve presque cruelle de d’hilarité, tant cette femme parait déconnectée de ce qu’elle renvoie comme image. Avec « Marguerite » il tisse une histoire où la douceur et la spontanéité naïve de l’héroïne contraste avec la cruauté de ses contemporains et la tendresse maladroite de son mari. Dés lors, l’irréelle cantatrice, ne suscite plus la moquerie mais au contraire la sympathie ! On a envie de la prendre dans nos bras, de lui dire la vérité à l’oreille avec toute la douceur qu’elle nous renvoie, finalement. Comme une partie des personnages qui l’entourent, le spectateur se prend d’amour pour Marguerite et voudrait bien « claquer » un peu plus, tout ceux qui ne profite que de sa gentillesse et de sa naïveté pour l’enfermer dans ses certitudes, en partie dues à l’absence de technologie lui permettant de s’entendre.
Et bien évidemment c’est toute la magie du jeu de la grande Catherine Frot (Les saveurs du palais) qui, comme à chaque fois nous transporte dans son univers, parvient à cerner son personnage avec une justesse remarquable, ne la caricature jamais, bien au contraire et fait ressortir ce moment de tendresse ultime qui sort chaque fois que la caméra s’arrête sur son visage, ses expressions. Jamais hors contexte, la comédienne parvient, comme personne, à s’approprier le personnage et à lui donner un relief inespéré qui ne nous fera plus jamais écouter le modèle original de la même manière.
Il serait toutefois incorrecte de ne pas souligner les qualités du reste de la distribution à commencer par
Michel Fau (9 mois ferme) qui nous offre l’un des moments les plus réjouissant du film lorsque son personnage entend pour la première fois Marguerite chanter, ou encore
Denis Mpunga (Dead man Talking) et
André Marcon (3 Cœurs) qui, chacun à leur manière, incarnent la tendresse envers ce personnage hors norme qui suscite tellement la tendresse et l’amour.
En conclusion, « Marguerite » est certainement l’un des plus beaux films de 2015, par la générosité de son interprétation et l’intelligence de son scénario qui ne s’est pas arrêté à une simple caricature d’un personnage surprenant du début du 20ème siècle, mais est allé chercher les fêlures et la tendresse quand d’autres ne cherchaient que le moquerie et l’hilarité malsaine.