Cité par nombre de réalisateurs et scénaristes (« La Fille de Dracula », « Frankenweenie », « Pacific Rim » ou « La Nuit au Musée 2 » parmi une longue liste) quand il n'est pas tout simplement violé par le scénariste et réalisateur Stephen Sommers pour une troisième trilogie hollywoodienne et ses séquelles -de 1999 à 2008 (et alors qu'il serait question d'un reboot de cette saga, avec Tom Cruise, d'ici 2017)- le classique d'Universal et lui-même membre (fondateur) de la collection Universal Monsters avec ses congénères monstrueux Dracula, le monstre de Frankenstein, le loup-garou, etc, « La Momie » de Karl Freund pourrait avoir été déjà traîné dans la bout, il y a plus de quarante ans, selon vos positions culturelles et cinéphiliques.
Fort du succès de cette « Momie » de 1932, le troisième monstre que le studio de Carl Laemmle Jr. (le fils du précédent fondateur new-yorkais de la compagnie Universal) a développé après ses mythiques « Dracula » et « Frankenstein » en 1931 durant la Grande Dépression américaine, Universal aura pourtant attendu huit ans pour mettre en œuvre, en 1940, cette première suite : « La Main de la Momie », après une « Fille de Dracula » (1936), un « Fils de Frankenstein » (1939) et « Le Retour de l'Homme-Invisible », cette même année.
Mais, le fait-il ? Vraiment ?
Si, dans le film originel (en 1932), Karl Freund et son scénariste John L. Balderston (l'un des scénaristes du « Frankenstein » et de sa « Fiancée... » de James Whale) s'inspiraient -à la demande de leur producteur Carl Laemmle Jr .- des légendes et mortelles malédictions nées autour de la découverte et de l'excavation en 1922 du tombeau de Toutânkhamon pour créer un nouveau personnage de monstre « universel » (et auquel la star Boris Karloff allait s'atteler) : le prêtre de l'ancienne Égypte, Imhotep, allant être ramené à la vie accidentellement en 1921 pour sévir encore en 1932... et persuader une nouvelle expédition de retrouver la tombe d'Ank-Souh-Namun, cette princesse qu'il aime toujours et veut ressusciter, quitte à terroriser cette équipe... pour se rapprocher d'Helen Grosvenor, fille du gouverneur du Soudan (et réincarnation de la princesse disparue), en 1940, Ben Pivar, obscur producteur associé d'Universal de centaines de petites productions B jusque-là mais surtout « roi de la récup' », permet sur une de ses idées aux scénaristes Griffin Jay et Maxwell Shane de faire leur entrée dans le plus ancien studio cinématographique américain après plusieurs films plus ou moins méconnus :
Archéologue réputé mais récemment relevé de ses fonctions, Steve Banning (Dick Foran), et son ami, le simili-escroc new-yorkais Babe Jensen (Wallace Ford), ont la chance de découvrir un vase qui va leur donner les indications nécessaires à la découverte de la tombe de la princesse Égyptienne Ananka !
Des fonds réunis (non sans sembler escroquer le célèbre prestidigitateur Solvani), Steve Banning, désormais accompagné par ce Grand Solvani (Cecil Kellaway) et sa fille, Marta (Peggy Moran), s'en va... violer la tombe de cette princesse, y espérant récupérer tout ce qu'il pourra dans ces fouilles de la Vallée des Sept Chacals.
Mais, le Professeur Andoheb (George Zucco), un étrange personnage qui traîne dans les parages de celles-ci, va alors révéler sa nature secrète de grand prêtre Égyptien de Karnak et ressusciter la momie de Kharis (Tom Tyler)... pour que son arme immortelle et éternelle (de bandelettes en décomposition) défende ce tombeau, quitte à supprimer tous ces mécréants d'étrangers -à l'exception de la belle Américaine, la fille du magicien dont il s'est épris et à qui il espère donner la vie éternelle pour qu’elle l’accompagne dans son sinistre temple... jusqu’à la fin des temps !
Reboot plus que remake ou véritable séquelle de « La Momie » de Karl Freund, comme on dirait aujourd'hui, cette « Main... » confiée au prolifique réalisateur du muet, Christy Cabanne, va confirmer, à la fois, que ce dernier s'est spécialisé avec le temps et l'arrivée du parlant dans la série B à petit budget (non sans réussir à éviter quelques rares faux-raccords) et que la société de production Universal a décidé de déjà maltraiter l'un de ses emblématiques monstres, allant presser le citron jusqu'au jus comme qui dirait ou plutôt dérouler les bandelettes de Kharis sur cinq films (allant glisser vers la gaudriole avec une dernière et inévitable rencontre avec ces deux nigauds d'Abbott et Costello)... jusqu'à disparition du monstre ?
Les récents projets de résurrection de ce monstre avec un hypothétique Tom Cruise pour remplacer Brendan Fraser dans une possible nouvelle saga « égyptienne » ou Johnny Depp sous les bandelettes médicales d'un nouvel homme invisible, qu'aborde Jean-Pierre Dionnet dans les bonus de ce film, nous permettant de répéter encore une fois, ad nauseum (?), que « it's alive »... ou que, non, là, il va peut-être falloir s'arrêter. Mais là n'est pas notre sujet du film.
Oubliez -même s'il réapparaît subrepticement dans des flash-backs des plus pédagogiques pour ceux qui ne connaîtraient pas le film initial- le charismatique et effrayant Grand Prêtre immortel Imhotep (la momie de Balderston) qu'incarnait magnifiquement Karloff huit ans plus tôt: cet homme cultivé qui a survécu aux millénaires et continuera à manipuler des archéologues à des fins personnelles ressuscité dans le film de Freund est désormais remplacé par une momie incarnée par l'ancien cow-boy (tant sa filmographie compte des westerns) Tom Tyler -au physique d'athlétique jeune premier hollywoodien disparaissant sous les bandelettes de Kharis et maquillages de Jack P. Pierce (le Stan Winston ou Rob Bottin Universal Monsters de l'époque).
Arme d'un autre Grand Prêtre (le très Britannique George Zucco, qui, contrairement, à lui va apparaître dans les suites), Kharis, puisque tel est son nom, n'est plus qu'une espèce de Golem Égyptien vindicatif aux services d'un homme qui espère devenir immortel avec sa bien-aimée et menacer le monde de la colère de ce monstre qu'il prétend être le seul à maîtriser !
Andoheb (Zucco) étant le seul à connaître le millénaire secret des feuilles de tana, ces feuilles maudites et enterrées avec la momie Kharis qui vous tueront si vous en faites un thé mais qui par trois réveilleront cette momie dormante (un soir de pleine lune) et par neuf lui donneront le pouvoir de se relever, de marcher et de tuer, mais que les spectateurs vont surtout retrouver dans chaque film de cette « série » : les scénaristes en respectant plus ou moins les doses prescrites au fil des « épisodes ».
Les très courtes 66 minutes de ce film (joliment restauré par Elephant Films, en comparaison aux bande-annonces proposées en bonus), qui savent pourtant paraître très longues voire trop avec un manque de rythme scénaristique (inhérent aux verbeux serials et films d'horreur et fantastique de l'époque et surtout au faible budget de ce film, qui n'hésite pas à réutiliser des décors du film de 1932 mais aussi d'autres -comme les escaliers du temple de « L'Enfer Vert », un autre film de 1940 de James Whale encore- quelque part dans les studios californiens d'Universal et non in situ en Egypte) et un monstre vedette qui n'apparait et frappe réellement que dans son dernier tiers (annonçant bel et bien une suite), même si pourtant la scénario de Jay et Shane et la réalisation de ce premier fossoyeur du mythe ne déboulent pas sur une fin ouverte.
Et encore, ce terme de débouler sera inadéquate à ce film, qui, vous l'aurez compris, souffre de lenteur.
A l'image de son monstre qu'incarne Tom Tyler, qui traîne sa patte de bras gauche armé du nouveau Grand Prêtre (puisque celui-ci en refusant de lui donner plus d'infusion de tana pour le garder sous son contrôle et lui faisant jouer à « où ai-je caché le reste de l'infusion ? » pour tuer ces vils Blancs paralyse son bras droit), ce premier volet est donc un bon vieux spectacle un brin vieillot et désuet pour les spectateurs d'aujourd'hui -qui pourtant pourrai plaire aux nostalgiques de ce cinoche de papa (ou grand-papa).
Mais, heureusement (ou malheureusement, selon votre respect de la légende égyptienne), à l'image du personnage secondaire du sympathique Babe Jenson (Wallace Ford), cette « Main... » sait aussi se faire très humoristique avec nombre de répliques ou gags dus à ce trublion... qui ne fait qu'esquisser l'avenir du mythe avec le futur Rick O'Connell de Brendan Fraser, héroïque aventurier maniant aussi bien les armes que les bons mots et grimaces.
Alors... si vous aviez aimez les aventures de la famille O'Connell (à partir de 1999), vous pourriez apprécier de découvrir ou re-découvrir le film ou la série de films qui pourraient être à l'origine de films d'aventure grand spectacle à la « Indiana Jones » et dans ce genre.
Et si vous restez très attaché au superbe classique de James Whale, vous risquer, par contre, de déchanter face à cette horreur tellement soft qu'elle en est presque risible et bien plus série B fauchée que le chef d'oeuvre originale.
Mais, peut-être, serait-ce passé à coté d'un petit plus culturel...