D'après le roman de Grand Corps Malade : Se laver, s'habiller, marcher, jouer au basket, voici ce que Ben ne peut plus faire à son arrivée dans un centre de rééducation suite à un grave accident. Ses nouveaux amis sont tétras, paras, traumas crâniens.... Bref, toute la crème du handicap. Ensemble ils vont apprendre la patience. Ils vont résister, se vanner, s'engueuler, se séduire mais surtout trouver l'énergie pour réapprendre à vivre. Patients est l'histoire d'une renaissance, d'un voyage chaotique fait de victoires et de défaites, de larmes et d'éclats de rire, mais surtout de rencontres : on ne guérit pas seul.
L'histoire de « Grand Corps Malade » alias Fabien Marsaud, est à l'évidence une source d’inspiration pour aborder le thème du handicap à travers sa propre expérience, il en a d'abord tirer un livre : « Patients » qui raconte ces moments difficiles, ce réveil à l'hôpital, cette longue convalescence, ces moments où il faut réapprendre à vivre, réapprendre à utiliser son corps et surtout réapprendre de quelle manière on va pouvoir faire les gestes du quotidien, tout ce qui nous semblait une évidence et qui devient d’un coup un objectif. Avec un style particulier, une tonalité et une voix sombre qui donne à sa musique une sonorité si marquante et si puissante. « Grand Corps Malade » sur le papier et dans ses mots oscille entre tristesse et légèreté, des fois même presque désinvolture.
Alors forcément, il n'en fallait pas plus pour donner au cinéma une envie de mettre en lumière cette histoire si étrange, si particulière est si ancrée dans l'esprit de l'artiste. Et c’est lui justement, avec l'aide d'un autre réalisateur : Mehdi Idir qui réalisa tout ses clips, qui décida de mettre en images son histoire en réutilisant les personnages qui l’ont façonné, ceux qu'il a croisé à l'hôpital, ceux qui l’ont aidé, qui l’ont marqué, et surtout qui lui auraient appris à vivre et à apprivoiser ce corps qui ne répond plus comme avant. Car avant tout, « Patients » ce n’est pas l’histoire de l’auteur, c’est celle des autres dont les maux ne guérissent pas à la même vitesse et ceux qui vouent leurs existences à réparer ces corps brisés.
Avec « Patients », Grand Corps Malade et Mehdi Idir, ne font pas que raconter l'histoire de l'artiste slameur, ils parviennent avec une légèreté, une émotion et surtout une puissance remarquable à mettre en lumière le quotidien de ces patients tétraplégiques, paraplégiques et autres grands traumatisés, qui doivent réapprendre à vivre. Jamais dans le pathos gratuit, ils nous entraînent dans une aventure que l’on n’imagine pas, que l'on souhaite occulter, et qui en substance nous fait peur. Et c'est bien là toute la force du film, car au lieu de nous horrifier, de nous traumatiser, au lieu de nous faire hurler de douleur, le film nous laisse sur une petite lueur d'espoir, garde toujours un discours positif qui ne vient jamais occulter la douleur de ces vies brisées, mais parvient toujours à nous montrer que derrière le combat il y a un espoir fait de sacrifices, de profondes remises en question. Certes les héros vivent au rythme de leur progrès, c'est ce qui détermine leur vie, leurs existences, c'est ce qui modifie leurs ambitions, mais surtout le film est une leçon de courage, et de prise de conscience de ce que peut être le handicap et de toute l'énergie qu'il demande pour pouvoir le surmonter.
Avec une mise en scène soignée qui ne cherche pas les grands effets, tournée dans un réel centre de rééducation, avec parfois même les véritables personnes intervenues lors de l'accident de Fabien Marsaud, les réalisateurs tissent une trame poignante à la fois d'un humour décapant, qui ne rend jamais le film lourd, bien au contraire, il le rend d'une légèreté absolue et parvient même à rentrer dans le cercle très fermé des « Feel Good Movies ».
Bien sûr la réussite du film, repose sur un scénario solide, sur une mise en scène impeccable, mais également et surtout sur une distribution parfaitement bien choisie et notamment Pablo Pauly (La Fille de Brest) qui arrive avec beaucoup de finesse à jouer entre l'émotion, la désinvolture, et l'implication de son personnage dans la réussite de son combat contre le handicap. Doté d’un charme fou, dès lors qu'il rentre dans le jeu de la dérision, il reste toujours à composer avec beaucoup de nuances, un personnage qui ne peut pas être linéaire, puisqu'il est aussi toujours par une force intellectuelle, une force morale, et avec un soin des détails physique, il parvient sans beaucoup de difficulté à nous séduire, il parvient à nous entraîner dans l'univers sombre et difficile d'un hôpital tout en le rendant léger et attendrissant. Ces partenaires de jeux :
Soufiane Guerrab (La Loi du Marché), Moussa Mansaly (Qui Vive), Franck Falise (Dheepan) n’y sont également pas pour rien et le moins que l'on puisse dire c'est que la distribution a su trouver toute l'énergie, toute la force et toutes les nuances nécessaires pour pouvoir donner vie à histoire de l'artiste, tout ce que le public avait besoin de connaître de la dureté mais en même temps que la détermination de ses jeunes à vouloir absolument se déplacer et retrouver une vie normale. Sans oublier bien sûr l’atout charme, (mais pas que !!!) apporté par
Nailia Harzoune (La Taularde).
En conclusion « Patients » est un film remarquablement écrit, magnifiquement mise en scène et impeccablement interprété, qui nous ouvre les portes du handicap d'une manière inédite, et qui nous permet surtout de plonger sans obscurantisme, et surtout sur lourdeur dans l'univers difficile de la réadaptation des grands polytraumatisés. Grand Corps Malade signe là avec Mehdi Idir son comparse film réussi qui gagne sur tous les tableaux, celui de l'humour, bien sûr, de l'émotion, et surtout de l’intelligence.