Portrait d’une femme à quatre âges de sa vie. Petite fille de la campagne, prise dans une tragique partie de cache-cache. Adolescente ballottée de fugue en fugue, d’homme en homme, puisque tout vaut mieux que le triste foyer familial. Jeune provinciale qui monte à Paris et frôle la catastrophe. Femme accomplie enfin, qui se croyait à l’abri de son passé. Quatre actrices différentes incarnent une seule et même héroïne.
N’y allons pas par quatre chemins, « Orpheline » est un film plutôt austère dont il faut impérativement s’imprégner du résumé avant de l’aborder. En effet le réalisateur a sciemment choisi, de faire un film le plus naturel possible, allant jusqu’à filmer le moindre détail des visages et des environnements, les mettre un minimum en lumière artificielle, de manière à pouvoir imprégner encore plus le spectateur d’une histoire sombre pour ne pas dire glauque. Il faut dire, que le sujet en partie autobiographique de la scénariste Christelle Berthevas transpire la douleur, la vie dévastée par des événements douloureux et choquant pour tout un chacun. À travers le regard de cette femme à quatre âges différents de sa vie, on plonge dans le cheminement d’une vie faite de drames et de violences dont il est difficile de se relever.
Alors bien sûr, le réalisateur Arnaud des Pallières, aurait très bien pu en ressortir un polar âpre et violent, mais il a préféré au contraire en sortir une histoire d’une humanité impressionnante, dans laquelle l’ensemble des personnages, chacun un peu cabossé à leur manière se croise, s’entrechoquent, dans une succession de douleur, de sexe, d’attirance et de répulsion. Mais ce qui est le plus surprenant dans tout ça c’est le manque d’amour qui ressort à chaque fois du chemin de la jeune fille. Et finalement quoi de mieux pour mettre en images un tel parcours, qu’une caméra très proche des visages, très proche du décor, qui va à chaque fois à sa manière, montrer les imperfections, et tout ce qui fait la douleur de cette femme. Et d’un coup la mise en scène se transforme en illustration de la saleté d’une existence qui ne parvient pas à trouver la beauté, y compris dans sa conclusion.
Évidemment, le film n’en devient que plus austère, et il faut parfois un peu d’assistance pour pouvoir rentrer dans l’histoire et se mettre à suivre le parcours de cette femme. Il n’en demeure pas moins que le scénario solide associé à la mise en scène précise et méticuleuse du réalisateur qui s’évertue à pouvoir montrer la saleté de ses déchirures intimes et internes, font de ce film « Orpheline », une petite réussite. Et c’est bien sûr grâce à la distribution
Adèle Haenel (120 Battements Par Minute),
Adèle Exarchopoulos (La Vie d’Adèle) et la petite
Vega Cuzytek en tête, que le film prend tout son sens. Les trois actrices de la plus jeune à la plus âgée, compose des personnages d’une rare intensité, avec une criante vérité jusqu’à accepter de ne pas être maquillées pour laisser apparaître les imperfections de leurs visages. Comme à son habitude la distribution masculine, n’est pas en reste avec les trois personnages qui accompagnent la jeune fille :
Nicolas Duvauchelle (Polisse), Jalil Lespert (Saint Laurent) et Jonas Bloquet (Elève Libre).
En conclusion, « Orpheline » est un film sombre, austère et parfois glauque, qui nous plonge à travers le parcours d’une jeune fille à quatre âges différents, dont le destin cabossé va l’emmener à la recherche utopique d’un éphémère bonheur. La mise en scène vient souligner l’efficacité redoutable du scénario en partie autobiographique, et la prestation des acteurs et actrices est saisissantes de vérité.