Deux auteurs se disputent l'histoire d'une jeune fille qui tombe amoureuse le soir du 14 Juillet, la faisant passer du drame à la comédie.
En 1952, le réalisateur Julien Duvivier se situe entre deux comédies succès populaires : « le petit monde de Don Camillo » et « le retour de Don Camillo ». Pour ce cinéaste au style réputé pessimiste, qui a déjà signé des chefs-d’œuvre du cinéma français de l’avant et de l’après-guerre comme : « La Belle équipe », « Pépé le Moko » ou encore « Sous le ciel de Paris », se tournant dans la comédie s’il n’est pas forcément une réussite extraordinaire avec les succès de Fernandel, se révèle sous un tout autre jour avec « La fête à Henriette ».
Dans ce film, le réalisateur nous propose de suivre l’évolution d’une histoire à travers les joutes verbales de de scénaristes l’un pessimiste, qui nous fait évidemment penser à Julien Duvivier lui-même l’autre plus romantique qui nous fait penser à son scénariste Henri Jeanson. Ce dernier qui avait signé déjà les scénarios de « Fanfan la Tulipe » et « La tulipe noire » est un coéquipier habituel du réalisateur. D’ailleurs ce dernier tout au long de ce film multiplie les clins d’œil à ses grandes références à commencer par René clair (14 Juillet), dont les personnages de « La fête à Henriette » font évidemment référence à l'une de ses œuvres majeures, on peut également y déceler des clins d’œil à Orson Welles, rendu célèbre à l'époque par « Citizen Kane » et dont le réalisateur est un fervent admirateur, et puis bien sûr pour les plus avertis on remarquera lors d’une des scènes de réflexion entre les deux scénaristes qu’en arrière-plan, hors champ, on entend un personnage siffler le thème de « Fanfan la Tulipe ».
Si le film à la sortie fut un échec public et un succès critique en demi-teinte, à y regarder plus près, il apparaît comme une œuvre aboutie est particulièrement inventive du réalisateur. En effet, celui-ci multiplie les plans soignés utilisant même sa marque de fabrique à savoir les plans en oblique pour souligner les passages plus sombres de son film, notamment lorsque le personnage de Marcel interprété par Michel Auclair, se retrouve soit à cambrioler, soit aux prises avec des malfrats. Pour le reste le réalisateur a eu les autorisations de filmer de réelles scènes de bal du 14 juillet durant l’été 1952 et donne ainsi à son film un ancrage dans la réalité qui permet aux spectateurs de réellement s’imprégner de l’histoire.
Si les critiques de l’époque ont jugé que le cinéaste n'était pas allé assez loin dans la description du travail des scénaristes, et notamment dans l’illustration de la façon dont se construit une histoire, on peut toutefois relever que Julien Duvivier a, au contraire, en multipliant les styles, et les clins d’œil, voulu rendre hommage au cinéma français comme au cinéma américain. Il n’en oublie pas pour autant le cinéma européen, puisqu’il fait un clin d’œil au cinéma allemand d’après-guerre qui commence tout juste à se relever et permet ainsi à son film de rentrer dans le panthéon des petits chefs-d’œuvre du cinéma français.
Longtemps indisponible en vidéo, « La fête à Henriette » bénéficie d’une remasterisation, qui permet ainsi à une nouvelle génération de cinéphiles, de découvrir à la fois un film oublié de la carrière du réalisateur, mais surtout de pouvoir découvrir une autre facette de ce dernier, à travers une comédie soignée et inventive qui donne une autre image de ce cinéma des années 50. Julien Duvivier y apparaît comme un réalisateur moins pessimiste que dans ses œuvres précédentes, mais surtout il a la capacité de s’imprégner d’un style et de le mélanger avec un autre pour pouvoir rendre hommage au cinéma qu’il apprécie particulièrement.
I
mpossible bien évidemment de clore cette critique, sans parler des prestations remarquables sans être exceptionnel, du trio Danny Robin (Les mystères de Paris), Michel Auclair (Pour la peau d’un flic) et Michel Roux (L’arme à gauche). Ce dernier, s’il n’a pas forcément brillé au cinéma, s’est illustré comme étant l’inoubliable voix française de Tony Curtis et de tant d’autres.