Insiang habite un bidonville de Manille avec sa mère, la tyrannique Tonya. Elle se démène corps et âme pour survivre dans ce quartier où chômage et alcoolisme font partie intégrante du quotidien. Un jour, Tonya ramène chez elles son nouvel amant, Dado, le caïd du quartier, en âge d’être son fils. Ce dernier tombe rapidement sous le charme de sa nouvelle « belle-fille »…
Le cinéma de Lino Brocka est l’un des majeurs dans l’histoire du cinéma Philippin. Le réalisateur plonge le spectateur sans concession dans une réalité souvent désenchantées. Avec « Insiang » il nous amène suivre le parcours sombre et sans concession de la jeune Insiang, qui vit chez sa mère tyrannique et est convoitée par le caïd de la région. Et la jeune jeune femme va très rapidement se rendre compte qu’elle ne pourra compter que sur elle-même pour s’en sortir. Et c’est là toute la force de Lino Brocka que de nous entrainer dans un monde âpre et sans grande espoir pour les jeunes femmes des familles de ces bidonvilles de Manille. Avec « Insiang », le cinéaste signe là un film quasi revendicatif pour les défenseurs de la condition féminine. Car, sans en révéler les grands traits on se rend très rapidement compte que l’héroïne va devoir s’opposer ou se soumettre.
Et la mise en scène du réalisateur a cela d’intéressant qu’elle ne cherche pas à donner à tout prix dans le sensationnel ou dans le voyeurisme, bien au contraire, elle s’approche au plus près de ce Manille des années 70, gangrenée par une pauvreté entretenue qui ne donne pas son nom, qui s’immisce dans les rues de ce bidonville où l’alcool et le chômage règnent en maitre. Avec une douceur évidente, mais également une force remarquable, Lino Brocka peint une société telle qu’il la ressent à l’époque et sa peinture est aussi sombre que les rues de la ville, mais garde toujours cette lumière et cette innocence qui apparait sous les traits de ses héros.
Et il en va de même de ce scénario qui ne va pas chercher sa matière dans l’imaginaire, mais bien au contraire dans le concret d’une société philippine des années 70, gangrénée par différence des classes qui pousse les pauvres dans les bidonvilles et les riches dans de somptueuses villas. Alors avec un certain pessimisme, Mario O’Hara (Woman of Breakwater) et Lamberto E. Antonio nous plongent dans une adaptation du roman du premier, assez fidèle qui leur permettent ainsi de mieux dessiner leurs personnages avec leur naïveté, mais également cette sorte de désillusion qui fait que l’acceptation est une force avant d’être une faiblesse pour celle qui cherche absolument à suivre son but ultime, celui de s’en sortir et de n’accepter aucune dérive masculine.
Et ici, Hilda Koronal, incarne une jeune femme amoureuse et un peu naïve mais aussi désabusée que déterminée avec une aisance remarquable. Jamais dans l’excès encore moins dans la caricature, la comédienne impose sa présence et donne à la fois une légèreté bienvenue et une force évidente au personnage.
Si « Insiang » est avant tout un film féministe qui met en lumière la condition féminine au sein des bidonvilles de Manille. Le film est brillant aussi bien dans l’intelligence de son scénario que dans la qualité de sa réalisation. Lino Brocka signe un film fort qui peint une société Philippine des années 75 à l’agonie.