Après des mois sans que l'enquête sur la mort de sa fille ait avancé, Mildred Hayes prend les choses en main, affichant un message controversé visant le très respecté chef de la police sur trois grands panneaux à l'entrée de leur ville.
Il y a des films qui créent la surprise à leur sortie par le jeu d’une actrice ou d’un acteur, par une mise en scène hors du commun ou par un scénario redoutablement bien écrit et d’une efficacité rare. Et bien « Three Billboards : Les Panneaux de la Vengeance » de
Martin Mc Donagh (Bons Baisers de Bruges) est exactement de ce type de film, à la différence qu’il regroupe l’ensemble de ces qualités. Ce n’est pas simplement un bon film, c’est un excellent long métrage orchestré de main de maître par un auteur et réalisateur qui a su digérer ses influences : Les frères Cohen (Fargo) et en ressortir toutes les nuances entre l’humour noir, macabre et la peinture d’une détresse collective qui se retrouve autour d’un obscur fait divers.
Et c’est bien de cela qu’il s’agit, parce que si le film part du postula d’une mère rongée par le deuil et la colère que l’assassin de sa fille ne soit pas arrêté, décide de louer des panneaux pour provoquer le chef de la police du coin et son équipe. Forcément un tel électrochoc, va réveiller les passions et les consciences. Du coup, le film se transforme subitement en une galerie de personnages tous plus surprenant les uns que les autres, entre le publicitaire timide et pourtant si courageux, le nain amoureux, le mari violent, le fils traumatisé mais solide, l’assistant du Chef immature et proche de la débilité, le chef de la police qui aimerait bien que l’affaire avance mais qui se lance dans un autre combat et enfin cette femme détruite qui ne laisse apparaître que ce qui l’a guide : Sa fureur.
Tout ce petit monde ne vient pourtant pas parler de l’Amérique telle qu’un auteur anglais peut la voir, non c’est un ensemble qui lui permet au contraire de traiter de sujet profond : Le deuil, la colère et la communauté en utilisant une mise en scène empreintée aux westerns. D’ailleurs l’auteur ne cache pas une fascination pour le cinéma de John Ford, même si c’est son actrice principale qui lui imposa une référence appuyée à John Wayne dans son jeu. Et c’est toute la force de ce film que d’avoir mis en lumière toutes ses influences et de les avoir ensuite révélés différemment pour servir un scénario, écrit à la virgule près, avec un sens du rythme et des dialogues venus tout droit du théâtre. Rarement un film aura autant touché, ému, fais rire et donné une réflexion profonde que ce « Three Billboards : Les Panneaux de la Vengeance ». D’ailleurs, ce qui est surprenant avec ce film, c’est qu’à la fin l’identité du tueur ne nous intéresse pas tant que cela. Nous nous prenons d’affection pour chacun des personnages et la seule chose qui nous importe c’est de savoir comment ils vont s’en sortir dans cet entrelacs de sentiments et de blessures profondes.
Bien sûr la force du film revient également à la distribution, à commencer par Frances McDormand (Fargo), figure tutélaire du cinéma des frères Cohen, qui livre une composition, inspirée de John Wayne époque John Ford donc, et confère à son personnage une présence et un charisme incroyable saisissant qui dévore littéralement l’écran. Face à elle
Woody Harrelson (True Detective) et
Sam Rockwell (Iron Man 2) imposent des prestations masculines d’une rare sensibilité, particulièrement chez le premier qui porte une partie de l’intrigue sur son dos. Les deux acteurs rivalisent d’originalité pour faire passer toutes les nuances de personnalités complètes qui composent leurs personnages. Mais le film ne se repose pas que sur son trio de star, le reste de la distribution vient composer cette mosaïque avec une rare justesse et un sens souvent étonnant de la comédie noire.
En conclusion, « Three Billboards : Les Panneaux de la Vengeance » est un véritable chef d’œuvre d’humour noir et de dramaturgie. On se laisse plonger dans une histoire qui nous sort des sentiers balisés de la comédie policière pour nous entraîner finalement dans un drame où le deuil et la douleur viennent s’entrechoquer avec les blessures des uns et des autres. A voir absolument !