Pierre Servettaz veut devenir guide de montagne car il est fou des hauteurs enneigées. Mais les risques sont nombreux. Ainsi, lorsque son père est foudroyé dans les sommets, va-t-il devoir affronter bien des dangers pour récupérer son corps.
Louis Daquin (Madame et le Mort) est un réalisateur à part dans l’univers de la cinématographie français de la période trouble de la seconde guerre mondiale. Réalisateur et acteur à ses moments perdus, comme dans « Paris Brûle-t-il ? » de René Clément en 1966, il eut le courage (ou la folie, c’est selon !) d’embarquer toute une série de comédiens et techniciens dans une aventure montagnarde hors norme pour adapter à l’écran un roman phare de la culture montagnarde : « Premier de Cordée » de Roger Frison-Roche. Une œuvre qui met en lumière toute la force et la détermination autant que l’abnégation que peuvent entretenir les hommes avec la montagne.
Une œuvre qui se voulait proche de la vérité en posant ses caméras dans des lieux difficilement accessibles pour une équipe de tournage, afin de mieux mettre les acteurs et leurs doublures lorsque cela s’avérait nécessaire. Un tournage à haut risque, qui rendit son petit quota de blessés, mais qui s’avéra une expérience hors du commun dans un cinéma français qui avait tendance à réaliser ses chef-d’œuvres en studio, pour des questions de budgets. Et donc alors que Marcel Carné tournait « Les Enfants du paradis » en studio, Louis Daquin, crapahutait en hautes montagnes avec des guides, des techniciens et des comédiens rompus à l’art de l’escalade mais pas toujours à celui du rythme de la comédie.
Et c’est tout le drame de ce film, qui n’en n’est pas moins exceptionnel, c’est qu’il manque terriblement de rythme et surtout ne parvient pas forcément à atteindre son but qui était de nous faire partager cette ivresse du vide, de l’escalade et d’affronter le danger en se reposant sur la cohésion du groupe qui soude la cordée. Car chaque homme, qui la compose, a conscience qu’il est un élément indispensable de l’ensemble mais qu’il dépend également de la force mentale et physique de ses coéquipiers.
Toutefois le film n’en demeure pas moins intéressant de par son tournage qui, à la différence des autres productions françaises, se passe en décors naturels et dans un espace qui n’est pas forcément adapté aux tournages de l’époques et aux techniques utilisées. Et si le scénario se perd dans de longs dialogues sur les valeurs des montagnards, sur ce rapport à la force, à la solidarité qui pousse chacun de ces hommes à se surpasser et notamment le héros de l’histoire à vaincre son vertige pour aller sauver son père prisonnier des sommets. Les scénaristes en profite en pleine guerre mondiale pour distiller avec subtilité une réflexion sur cette société occupée qui se partage entre : Résistance et Collaboration.
En conclusion, « Premier de Cordée » est un film qui sort du cadre de la production française de l’époque qui préférait s’enfermer dans un studio pour y travailler ses œuvres. Ici le réalisateur emmène toute son équipe dans les alpages pour un tournage à haut risque, mais ne parvient, toutefois, pas à nous faire vibrer en nous faisant ressentir le vertige des sommets et le danger de la cordée. On en garde toutefois un film à la mise en scène soignée et à la réflexion subtile sur les valeurs des montagnards en parallèle de la société sous l’occupation.