Dans le Londres des années 50, juste après la guerre, le couturier de renom Reynolds Woodcock et sa sœur Cyril règnent sur le monde de la mode anglaise. Ils habillent aussi bien les familles royales que les stars de cinéma, les riches héritières ou le gratin de la haute société avec le style inimitable de la maison Woodcock. Les femmes vont et viennent dans la vie de ce célibataire aussi célèbre qu’endurci, lui servant à la fois de muses et de compagnes jusqu’au jour où la jeune et très déterminée Alma ne les supplante toutes pour y prendre une place centrale. Mais cet amour va bouleverser une routine jusque-là ordonnée et organisée au millimètre près.
Librement inspiré de l’œuvre et de la vie de Cristobal Balanciaga, ce film écrit et réalisé par Paul thomas Anderson, qui avait déjà ravivé nos sens pour les histoire complexes mais si simples au final dans « Magnolia » ou encore dans « The Master » revient avec une œuvre puissante, qui se lit tout en douceur et se laisse porter par une inspiration assez évidente au film d’Hitchcock : Rebecca. Si le film s’intéresse à ce mécanisme si intriguant que celui de la création en règle générale, il met en avant l’abnégation de ces artistes de la mode et de ceux qui les entourent. Anderson en tisse un film tout en précision et en puissance, qu’il mâtine de romance compliquée entre le créateur et celle qui vient bouleverser sa vie.
Avec une mise en scène qui se veut évidemment d’une très grande précision, avec des plans tout en douceur ou tout en mouvement lorsque Woodcock décide de fuir la ville pour aller se ressourcer à la campagne, la caméra posée sur l’arrière de la voiture donne l’impression d’un accéléré qui vient en contraste avec la douceur et le calme qui règne dans la maison de haute couture, ce calme propice à la concentration du maître et à ses créations. Une maison régit par les besoins de Woodcock en solitude, en silence et en travail. Toujours avec une précision d’orfèvre, le réalisateur s’imprègne d’un univers qu’il a étudié avec beaucoup de documentation pour en ressortir toutes les nuances et les gestes qui le rendent presque magique, comme un ballet du Bolchoï. Chaque geste, même le plus rugueux se fait dans un mouvement de grâce, porté par le mouvement d’un tissu que l’on sent précieux et manipulé avec sensualité.
Evidemment, le film gagne en précision avec le jeu de son acteur principal, qui annonça d’ailleurs qu’il mettait fin à sa carrière après le tournage, qu’il jugea éprouvant, car le comédien ne peut composer un personnage sans y donner à chaque fois une part de lui-même et lui dévouer une longue part de son existence pour en saisir toutes les facettes. Ainsi
Daniel Day Lewis (There Will Be Blodd) a-t-il appris la couture pendant un an en tant qu’apprenti auprès de Marc Happel, grand couturier qui travaille notamment pour le New-York City Ballet. L’acteur y a appris les gestes, le positionnement, le travail et surtout le déplacement presque feutré de celui qui créé, dont l’imagination fertile ne cesse de se renouveler, de se rechercher. Paul Thomas Anderson, utilise le physique et la métamorphose du comédien pour en faire une œuvre à part entière. Face à lui il impose une jeune actrice très peu connue
Vicky Krieps que l’on peut actuellement dans l’excellent :
« 3 Jours à Quiberon ». L’actrice prend la lumière comme rarement. Le réalisateur dit d’ailleurs d’elle : « Elle me fait penser à Ingrid Bergman. Même lorsqu’elle n’est pas maquillée, nous avons l’impression qu’elle l’est ! ». Quel plus beau compliment peut-elle recevoir ? car en effet outre un visage et une allure aussi soignée que naturelle l’actrice parvient à se faire nuance pour être mieux menaçante ou intrigante.
En conclusion, nous l’aurons très rapidement compris, « Phantom Thread » est une œuvre aussi bouleversante que magnifique. Le réalisateur nous plonge avec une précision d’orfèvre dans la création d’une maison de haute couture et nous entraîne dans une intrigue inspirée de « Rebecca » d’Hitchcock. Les prestations de Daniel Day Lewis et de Vicky Krieps sont renversantes de qualité et de nuance.