Été 1983. Elio Perlman, 17 ans, passe ses vacances dans la villa du XVIIe siècle que possède sa famille en Italie, à jouer de la musique classique, à lire et à flirter avec son amie Marzia. Son père, éminent professeur spécialiste de la culture gréco-romaine, et sa mère, traductrice, lui ont donné une excellente éducation, et il est proche de ses parents. Sa sophistication et ses talents intellectuels font d’Elio un jeune homme mûr pour son âge, mais il conserve aussi une certaine innocence, en particulier pour ce qui touche à l’amour. Un jour, Oliver, un séduisant Américain qui prépare son doctorat, vient travailler auprès du père d’Elio. Elio et Oliver vont bientôt découvrir l’éveil du désir, au cours d’un été ensoleillé dans la campagne italienne qui changera leur vie à jamais.
Et si le film de l’année était une romance entre un adolescent et un homme plus âgé ? Et bien ce serait alors « Call me by your name », un film simple et bouleversant qui capte le spectateur par une évidente qualité narrative qui ne lâche plus le spectateur. Un film qui parvient à capter l’essence même de l’amour, de l’idylle naissante et des conséquences que cela peut avoir chez un adolescent qui découvre la sexualité et surtout le sentiment d’attachement si fort et si puissant qui l’unit à la personne à laquelle il ne s’attendait pas forcément. Il y a tout ce mécanisme qui se met en place : L’apprivoisement, la recherche, le rejet et l’attirance mentale qui laisse place au physique, puis les fluctuations inévitables des sentiments qui torturent autant qu’ils euphorisent.
Ce qui surprend d’abord avec « Call me by your Name » c’est le temps que le réalisateur met faire naître la romance entre les deux amants. Là où d’autres rentreraient dans le vif du sujet au bout de deux minutes et s’embarqueraient vers des réflexions sur l’amour entre deux personnes d’âges différents en plus du même sexe, le réalisateur prend le parti de laisser pousser la romance comme on laisse pousser une fleur. Il faut du temps pour que le graine germe et laisse place à la fleur. Loin de toute réflexion métaphysique, le réalisateur garde en l’esprit une phrase de Truman Capote : « L’amour n’ayant pas de géographie, il ne connait pas de frontière », il laisse donc l’amour naître et se contente de le filmer pour mieux le montrer. Jamais ennuyeux, le film se déroule avec une mise en scène sobre et soignée qui rappelle de grands réalisateurs inspirations divers de Luca Guadagnino (Renoir, Rivette, ou encore Bertolucci…).
Bien sûr derrière la mise en scène, il y a la patte d’un autre maître du genre : James Ivory (Retour à Howard Ends). Le réalisateur et scénariste sait, comme peu, traiter des sentiments, les faire naître et leur donner une couleur, une direction. Ici, le scénario ne cherche pas le sensationnel, il cherche avant tout à peindre au plus juste tout ce qui peut naître dans l’esprit et dans le cœur d’un adolescent. Mais loin de s’arrêter à une narration simple et linéaire, le scénario tisse également une peinture d’une société des années 80 entre émancipation et rigueur de coutumes. Les interdits flottent encore, les non-dits sont encore en place et même si cela n’est pas l’axe central du film, on sent que le scénario ne la passe pas à la trappe.
Et puis bien sûr il y a les interprétations qui ont valu à chacun des nominations en tout genre, notamment Meilleur acteur pour Timothée Chalamet (LadyBird) qui porte littéralement le film sur ses épaules. Le jeune homme impose une composition fraîche, jamais dans la tension mais plutôt dans la sobriété qui la rend si captivante. Il apparaît détaché et pourtant si touché par ce bouleversement psychologique et sentimental. Face à lui
Armie Hammer (Lone Ranger) prend le public à revers avec une interprétation sobre et touchante en même temps de cet homme qui lutte pour ne pas laisser transparaître ce qui apparaît comme inévitable. Les deux acteurs forment un duo touchant et renversant de simplicité.
En conclusion, « Call Me By Your Name » surprend par sa tonalité sobre et lente qui s’évertue à montrer l’invisible. Ces sentiments qui naissent et s’opposent dans une société cadrée. Le film, dernier d’une trilogie que les sentiments humains, est beaucoup plus un film sur l’amour, sur ses bouleversements, que sur l’homosexualité. Jamais dans l’excès mais toujours dans la sobriété, jamais dans la vitesse mais plutôt dans la sérénité du temps qui passe et de celui qu’il faut pour que les êtres se laissent aller à l’inévitable. LA sensation sentimentale de ce premier semestre.