Un élève d'une école primaire brise par accident la grande verrière de son école. C'est alors un véritable élan de solidarité qui se manifeste au cours de la récréation : tous ses camarades décident de le soutenir en travaillant pendant les vacances d'été afin de payer la reconstruction. Ainsi, c'est un véritable petit trésor qu'ils arrivent à constituer. Mais un voyou du coin s'empare de leurs économies. C'est l'occasion pour ces jeunes bambins de mener leur première enquête en tentant de récupérer leurs gains...
Louis Daquin (Madame et le Mort) est un réalisateur à part dans l’univers de la cinématographie français de la période trouble de la seconde guerre mondiale. Réalisateur et acteur à ses moments perdus, comme dans « Paris Brûle-t-il ? » de René Clément en 1966, Il fut l’un des seuls à continuer de tourner pendant l’occupation. Injustement oublié, parfois calomnié de collaborateur, il ne tourna pourtant jamais pour « la Continental », société cinématographique créée par Joseph Goebels et destinée à la propagande nazie. Alors que certains vont se laisser aller, à tort ou à raison, à réaliser des films sous l’égide de la sombre compagnie, comme Henri Georges Clouzot, Maurice Tourneur ou Christian-Jacques, Louis Daquin restera fidèle à es convictions et réalisera des films pour Pathé. D’un style résolument optimiste et bavard, Daquin en profite pourtant pour livrer certains messages de cohésion de groupe, d’unité, et de résistance face à l’adversité.
« Nous les Gosses », est d’une certaine manière l’un de ces exemples. D’une certaine manière, en réalisant une œuvre un peu naïve, Daquin adapte une histoire de Marcel Aymé dans laquelle un enfant brise la verrière de son école et se voit condamner à la repayer. Ses camarades, sachant que ses parents n’ont pas les moyens de payer une telle somme, vont se mobiliser pour trouver l’argent. Seulement, une fois la cagnotte atteinte, un sombre personnage va leur voler et tout le monde se retrouvera plongé dans une enquête pour découvrir le coupable. Avec une fraîcheur évidente, qui dénote de la société ambiante, nous pouvons aisément lire entre les lignes un message de solidarité et de cohésion pour une société divisée en deux camps.
Si le film n’est pas un chef d’œuvre reconnu, comme a pu l’être le film d’Yves Robert : « La Guerre des Boutons » en 1962, il n’en demeure pas moins un film réussit qui redonne le sourire et se regarde sans grande difficulté. La mise en scène est soignée et souvent inventive, comme la scène d’ouverture où les enfants s’amusent à l’attaque de diligence. Il est d’ailleurs important de noter une exception, qui peut se voir également comme un acte de résistance dans une France rongée par son antisémitisme et son racisme absurde, la présence d’une petite fille noire à l’écran. Jouant continuellement sur les luttes de classe, ou sur cette cassure évidente entre le monde des adultes et celui des enfants, Louis Daquin livre une œuvre simple mais remarquable.
Finalement, personnage centrale du film, Raymond Buissière (L’Aile ou la cuisse) campe un personnage trouble et mesquin qui ne recule devant aucune bassesse pour arriver à ses fins avec une subtilité et une justesse évidente. Le comédien, lui aussi oublié de la mémoire collective après une carrière de seconds rôles particulièrement fournie, se retrouve finalement à être celui qui capte toute l’attention et se retrouve le plus nuancé de tous. Face à lui une ribambelle de gamins tous plus justes les uns que les autres avec une réelle fraîcheur de ton qui donne toute sa saveur au film.
En conclusion, « Nous Les Gosses » est un film qui sort du cadre de la production française de l’époque par un ton résolument positif qui s’éloigne radicalement de la propagande sous-jacente de l’inévitable « Continental ». Ici le réalisateur entraîne le spectateur dans une intrigue à hauteur de gamins qui se mobilisent pour aider l’un des leurs, puis pour retrouver l’argent qui leur a été volé. Un film à la mise en scène soignée et à la réflexion subtile sur les valeurs d’une société qui semble en manquer terriblement à l’époque.