Après avoir tenu des propos homophobes, Mathias Le Goff, vice-champion du monde de natation, est condamné à entraîner « Les Crevettes Pailletées », une équipe de water-polo gay, davantage motivée par la fête que par la compétition. Cet explosif attelage va alors se rendre en Croatie pour participer aux Gay Games, le plus grand rassemblement sportif homosexuel du monde. Le chemin parcouru sera l’occasion pour Mathias de découvrir un univers décalé qui va bousculer tous ses repères et lui permettre de revoir ses priorités dans la vie.
Succès surprise de ce début d’année 2019 qui, comble du hasard, se voit embourbé en cette fin d’année qui pointe son nez, dans un débat autour de l’homophobie. Que ce soit dans les stades ou dans d’autres lieux en général, la question qui se pose maintenant, au XXIème siècle : Est-ce que les propos sont moins grave que les propos racistes ou antisémites ? Certains y voient, bien sûr l’occasion de répandre leurs valeurs nauséabondes en assumant des discours vieux de plusieurs décennies, d’autres, au contraire cherche à réveiller une opinion publique, abreuvée de fausses vérités tenues par des journalistes BFMisés ou Cnewistes. Pourtant, depuis bien des années maintenant, le cinéma et les arts de leurs généralités ont su prouver à qui voulait l’entendre que les propos homophobes étaient aussi méprisables et ravageurs que les insultes racistes. Il faut alors des réalisateurs pour parler de tolérance et d’acceptation de la différence.
Avec « Les Crevettes Pailletées », les réalisateurs Cedric Le Gallo (Scène de Culte) et Maxime Govare (Toute Première fois) signent une comédie, certes imparfaite, parce que parfois trop dispersée, mais dont la sensibilité et le sens du rythme viennent gommer tous les défauts. Car il faut bien le dire, la comédie du duo fonctionne en bien des points et le message de tolérance n’est, pour une fois, jamais outrancier ni déplacé. On assiste à une peinture de personnage, des plus sobres aux plus excentriques qui ne vient jamais heurter, ni provoquer le spectateur. Chaque personnalité se révèle attachante, et même si parfois le message est parfois trop idéalisé (C’est trop cool d’être gay !), il ne manque en aucun cas de sincérité et sait faire preuve de nuance. On regrettera peut-être une scène qui manque peut-être de relief, lorsque Jean livre les blessures secrètes de chacun des membres de l’équipe. En revanche, le scénario parvient à éviter d’imposer ou de ressasser, les sujets trop mélo comme le Sida par exemple, qui aurait été considéré comme une facilité dans un récit qui parle de tolérance, et veut délivrer un message optimiste et léger.
Et c’est la mise en scène qui vient surtout emporter tous les suffrages, car sa dynamique et sa capacité à être inventive, comme ce très beau plan séquences (forcé pour des raisons budgétaires) durant la soirée autour d’une piscine, où la caméra passe de l’aérien à l’aquatique dans une aisance remarquable, ou encore ces plans aériens du présentateur des Gaygames qui lui donnent une impression de grand maitre des lieux, avec un charisme rayonnant et mystérieux. Les réalisateurs Cédric Le Gallo (qui s’est inspiré de sa propre histoire pour écrire le scénario) et Maxime Govare se sont heurté à des restrictions budgétaires ou à une équipe Croate, rancunière, et digérant mal sa défaite face aux Français, mais s’en sont servi pour devenir inventif et donner une ampleur plus spectaculaire à leur film. Inspirés de films comme « Pride » ou encore « Priscilla Folle du Désert », « Les Crevettes pailletées » est un film qui fait du bien parce qu’il ne se perd pas dans le conformisme.
La distribution, comme dans « Le grand bain » de Gilles Lellouch, a dû se donner à corps perdu dans cette aventure, avec un entrainement de rigueur pour les scènes aquatiques, mais également pour la chorégraphie de l’équipe. Nicolas Gob (Les Bleus : Premiers pas dans la Police) est tout autant sombre que touchant dans le rôle de ce champion de natation, qui ne mesure pas forcément la portée de ses mots et a bien du mal à comprendre les codes qui unissent ces hommes que rien, en apparence, ne semble pouvoir toucher. Alban Lenoir, plus habitué à des rôles sombres : « Un Français » ou « Antigang » par exemple, excelle ici dans le rôle de ce leader d’une équipe de Waterpolo Gay colorée et soudée.
En conclusion, « Les Crevettes Pailletées » est une très bonne comédie qui distille avec suffisamment d’intelligence et de sensibilité, un message de tolérance, d’ouverture vers une communauté, encore beaucoup trop montrée du doigt et insultée par des idéaux rétrogrades et pervers. Il n’y a pas de hiérarchie dans l’insulte et le brave n’est pas celui qui crache mais celui qui sait garder la tête haute. Si quelques défauts minimes peuvent être relevés, l’ensemble est d’une efficacité redoutable et il devient difficile de ne pas se laisser charmer par cette histoire haute en couleur et en optimisme.