Le village d’Inunaki, au Japon, est surnommé " le Village Hurlant ". Une psychiatre de la région, Kanade Morita, possède un sixième sens, qui la tourmente depuis l’enfance. Un jour, son frère Yuma et sa petite amie décident de jouer à se faire peur, lors d’une expédition nocturne dans le village. Sans le savoir, ils vont réveiller la terrible malédiction qui frappe le village…
Genre très prisé au Japon, le film de fantômes est aussi une institution culturelle dans ce pays où la place des esprits des ancêtres est aussi importante que celle des liens familiaux qui unissent tous les membres d’une famille. Mais le genre horrifique permet également à cette région du monde d’exorciser une grande part de ses blessures particulièrement dans un passé douloureux que ce soit face à l’occident et à ses bombes atomiques ou à une culture ancestrale qui n’hésita pas à mettre au rebut une partie de sa population, pas assez glorieuse à ses yeux. En effet, le film d’horreur est un style très empreint en Asie parce qu’il permet d’y mettre toutes les douleurs et toute la reconnaissance ans un passé comme dans un présent prospère ou non. Ce n’est pas anodin si les plus grands succès de l’horreur de ces dernières années sont venus du soleil Levant : « Godzilla », « The Ring », « The Grudge », etc….
D’Hidéo Nakata (Ring) à Takashi Shimizu (The Grudge) en passant par Kiyoshi Kurosawa (Retribution), le cinéma d’horreur Japonais nous a offert nos plus grandes frousses et ne cesse de s’exporter et de se voir remaker, de l’autre côté de l’océan Pacifique. Et c’est justement Takashi Shimizu qui nous arrive avec ce nouveau film à faire pâlir le premier metteur en scène américain. Auteur, avec son co-scénariste Daisuke Osaka (Re:Mind), d’une histoire qui synthétise une bonne partie de ces peurs qui hantent les forêts et les campagnes nippones. Ici, une population fut massacrée au profit d’une société productrice d’électricité, ayant besoin des terres occupées par les habitants de ce village. Ces derniers ne cessent alors de hanter les lieux de leur agonie.
Sombre et terriblement efficace, le scénario se dessine comme seul le cinéma nippon sait le faire, avec une certaine lenteur, dans une atmosphère sombre, un peu crasse, dans laquelle des personnages lumineux vont se perdre. A la différence de beaucoup d’œuvres du genre, c’est le nombre de personnages qui surprend et qui devient presque une signature chez Takashi Shimizu. Ici, ils sont très nombreux ! Il y a, bien sûr, le jeune couple de départ, mais aussi le père et la mère, la psychologue qui voit des spectres, le petit garçon qui, lui, voit le fantôme de sa mère naturelle, ses parents adoptifs, et les copains qui vont intervenir à un certain degré de l’histoire. Nous l’aurons très vite compris, « Inunaki » peut-être vu comme un film choral dans un environnement bien particulier.
Et outre cette emprise dans la culture fantastique et spectrale japonaise, la mise en scène de Takashi Shimizu est loin d’être inintéressante, puisqu’elle va utiliser les perspectives plus que les effets visuels pour surprendre et effrayer. Et comme si cela ne suffisait pas, le réalisateur s’amuse également avec le temps, plongeant le spectateur dans une histoire où le passé et le présent se mélangent comme pour mieux expliquer que les douleurs du passé ont toujours un impact sur le présent, et que ce dernier se retrouve souvent être une copie du premier. Inventive, osée et parfois douloureuse, la mise en scène de Takeshi Shimizu offre une œuvre forte et oppressante du début à la fin.
En conclusion, « Inunaki : Le village Oublié » de Takeshi Shimizu, vient à nouveau prouver au monde la suprématie nippone dans ce genre de cinéma. Très empreint d’un passé douloureux et d’une culture qui intègre la mort pour le respect mais également pour le souvenir qu’elle véhicule, ce nouvel opus de l’un des maitres du genre nous plonge dans un village martyrisé pour ne plus nous lâcher, même après le générique de fin.