« Y'a des moments comme ça où tout vous réussit. En trois semaines, j'ai perdu mon job, ma voiture et Juliette... » Le monde de Michel Berthier s'écroule lorsqu'il est licencié. Il ne dit rien à son épouse, quitte le domicile conjugal et se retrouve à la rue. Désormais, il est SDF et ses compagnons d'infortune s'appellent Crayon, Mimosa ou Le Toubib.
Après avoir été un roi de la comédie d’abord avec la troupe du Splendide et des succès comme « Les Bronzés » et sa suite en 1978 et 1979, ou encore « Le Père Noël est une ordure » en 1982, puis en solo avec des films comme « Pour Cent Briques t’as plus rien » d’Edouard Molinaro en 1982, Gérard Jugnot se lance dans la réalisation en 1984 avec « Pinot Simple Flic » et va commencer à façonner un personnage radicalement différent de ceux qu’il incarnait dans les films du Splendide, des rôles de loosers antipathique ou d’égocentriques faussement joviales. Avec Pinot c’est toujours un personnage maladroit, mais cette fois-ci, avec une humanité débordante et l’envie de toujours faire le bien en rapport avec ses valeurs. Un personnage que l’on retrouvera au fur et à mesure de sa carrière quelle qu’en soit sa peinture ou son époque. Le seul moment où il sortira de ce cadre se révélera un échec cuisant comme avec « Sans Peur et sans Reproche » en 1988, son troisième film en tant que réalisateur.
Trois années après l’échec de « Sans Peur et Sans Reproche », Gérard Jugnot revient à ses premiers amours, des personnages un peu « loosers », mais à l’humanité débordantes. Il a compris qu’avec ces personnages qui se retrouvent au plus bas, au moment de l’intrigue, il peut en tirer un message d’humanité qui lui est cher. Et c’est tant mieux, car effectivement le scénario, signé par Gérard Jugnot et son co-scénariste Philippe Lopes-Curval, qui signera plus tard le scénario des « Choristes » de Christophe Barratier, va s’intéresser à un sujet rarement évoqué au cinéma français et particulièrement sous cet angle : Les SDF et particulièrement cette spirale qui amène une personne à se retrouver dans la rue. Jamais dans le jugement, le scénario développe une histoire simple, qui ouvre nos regards vers un monde que l’on ne veut pas voir mais qui existe bien autour de nous et dont il est important de prendre conscience de la fragilité de ce que nous construisons qui peut nous mettre un jour, par un enchainement de choses, sous les ponts.
Avec une mise en scène très proche de ses personnages et un regard documenté sur ces personnes invisibles, mais pourtant si présentes dans nos rues, Gérard Jugnot va construire un film touchant et jamais complaisant, ni insultant pour les SDF. Il va montrer une société parallèle ou deux univers se côtoient : celui des Clochards et des SDF, dont la différence est si subtile qu’elle peut parfois nous échapper mais d’où ressort pourtant cette humanité et cette solidarité dans la misère qui semble encore plus maintenant nous échapper. Gérard Jugnot aime montrer des personnages drôles, d’autres solaires par l’énergie qu’ils dégagent et d’autres encore dont l’humanité va naitre des colères qui les rendent si théâtraux. C’est ce qu’« Une Epoque Formidable » va mettre en lumière, des gens au cœur de la misère qui vont se soutenir mutuellement, pour tenter de survivre coute que coute et vont trouver dans cette misère, malgré tout, une nouvelle forme de fierté.
Pour donner corps à ces personnages, Gérard Jugnot va pouvoir compter sur un trio particulièrement efficace : Ticky Holgado (Un Long Dimanche de Fiançailles », d’abord, qui apporte l’innocence et la gentillesse pure sans avidité quelconque, Chick Ortega (Blanche) ensuite qui apporte cette violence et cette folie désarmante que l’on imagine bien. Et puis bien sûr Richard Bohringer (Le Grand Chemin), grandiose dans ses couleurs, captivant dans ses silences.
Gérard Jugnot signe avec « Une Epoque Formidable », un film drôle et touchant et l’humour vient servir l’émotion et où l’empathie envers ces personnes plongées dans la misère transpire à chaque plan et à chaque ligne de dialogue.