1917. Bakary Diallo s'enrôle dans l'armée française pour rejoindre Thierno, son fils de 17 ans, qui a été recruté de force. Envoyés sur le front, père et fils vont devoir affronter la guerre ensemble. Galvanisé par la fougue de son officier qui veut le conduire au cœur de la bataille, Thierno va s'affranchir et apprendre à devenir un homme, tandis que Bakary va tout faire pour l'arracher aux combats et le ramener sain et sauf.
Dire qu'Omar Sy s'était fait discret ces dernières années, n'est pas totalement une vérité, lorsque l'on voit le succès planétaire de « Lupin » la série dont la saison 3 devrait arriver prochainement sur Netflix. Par contre au cinéma, oui, hormis deux films passés, malheureusement, la faute du covid, à côté de leur public : « Police » d'Anne Fontaine (2020) et « Le prince Oublié » de Michel Hazanavicius, la même année, on ne peut retenir de l'acteur que des participations un peu anecdotiques dans de grosses productions américaines : « L'appel de la foret » de Chris Sanders et « Jurassic World : le monde d'après » de Colin Trevorrow en 2022. Le Retour de l'acteur au cinéma se fait à travers un film surprenant qui le fait radicalement changer de registre et tend à prouver que l'acteur en a sous la chaussure, pour ceux qui sont passés à côté de « Police ».
« Tirailleurs », donc, de Mathieu Vadepied est un film qui peut se lire sur plusieurs angles d’approches, à commencer par le combat d’un père pour garder son fils vivant coûte que coûte dans une guerre qui ne les concernent pas, eux qui vivent dans un pays colonisé par les français et qui sont forcés d’intégrer un régiment pour aller combattre sur le front en première ligne. C’est aussi l’histoire d’un fils qui va apprendre à devenir un homme et à s’affranchir de la protection paternelle. Enfin, c’est aussi l’histoire de ces hommes enrôlés de force dans les rangs de régiments qui furent envoyés en première ligne pour servir de chair à canon et laisser la voie libre pour les autres derrières. Et sur ce dernier point, le réalisateur ne sert pas un discours aussi frontal qu’« Indigènes » de Rachid Bouchareb en 2006. Mathieu Vadepied, peint une réalité des tranchées plus nuancée, car il confronte deux états d’hommes radicalement différents, ceux des colonies et les enfants d’officiers forcés de prouver leur qualité et leur courage.
Deux destinées différentes qui se rejoignent au milieu de cette boucherie, mais dont l’histoire aura bien du mal à se souvenir de la même manière. Et même si le sujet du film n’est pas centré totalement sur l’histoire des « Tirailleurs sénégalais », il ne peut empêcher cette réflexion notamment dans sa conclusion. Le scénario signé par Mathieu Vadepied (En thérapie) et Olivier Demangel (Novembre), va surtout s’intéresser à la relation entre ce père et ce fils, qui voient leurs chemins se séparer pour que chacun vive sa propre vie sa propre existence, que le père laisse son fils prendre ses décisions et évoluer dans un monde, même s’il ne le comprend pas et le fils de prouver à son père qu’il est devenu un homme capable de diriger sa vie, son existence et de faire ses propres choix. Joué majoritairement en langue Peul, utilisée en Afrique de l’Ouest vient marquer la distance entre ces deux mondes, dont l’un impose une domination sur l’autre. C’est également une manière intéressante de rendre hommage à ces hommes venus de l’Afrique, pour défendre un pays qu’il ne connaissait même pas.
Et c’est là que l’acteur prend tout son sens, dans une prestation touchante, presque animale parfois dans ce besoin viscéral de protéger son fils, y compris lorsqu’il s’agit d’accepter les humiliations, tant que cela sert à le faire sortir de l’enfer. Omar Sy, se révèle magistral, en père déterminé et aveuglé par son instinct de protection. Le comédien s’éloigne de ses rôles de personnages sympathiques et drôles pour devenir un père d’une profondeur de jeu remarquable. Face à lui Alassane Diong, que l’on avait déjà vu dans « Les Sauvages » de Sabri Louatah et Rebecca Zlotowski en 2019, livre une prestation juste et maitrisée qui vient parfaitement en complément de la qualité de jeu imposée par Omar Sy. Enfin, dans le rôle du jeune officier Chambreau, un acteur belge que l’on connaît depuis un certain moment : Jonas Bloquet qui avait déjà fait sensation dans son premier rôle dans « Elève libre » de Joachim Lafosse en 2008, et qui, également, eut une carrière internationale en passant, par exemple chez Corin Hardy pour le film d’horreur : « La Nonne » en 2018. Jonas Bloquet vient apporter la nuance du propos en interprétant un officier tout en froideur et en subtilité.
Pour conclure, « Tirailleurs » est un film de Mathieu Vadepied, qui, après avoir exploré la psychologie de ses personnages dans « En Thérapie », s’intéresse aux relations entre un père et un fils, plongés au cœur de la boucherie de Verdun durant la première guerre mondiale. Une œuvre touchante et maitrisée qui tient ses principaux atouts dans la qualité de sa mise en scène et de ses acteurs.