Simon Belin, acteur de second plan, est témoin d'un meurtre. Il dénonce le coupable, Lino Ferrari. Cette affaire lui apporte la célébrité. Ferrari, incarcéré, s'évade. Il jure de tuer Belin sous trois jours.
Gilles Grangier fut de ces réalisateurs, inclassables, ceux que l’on n’arrivait pas à mettre dans une case précise, notamment parce qu’ils s’essayaient à tous les styles et le faisaient bien. Prolifique et surtout grand observateur de son époque il savait faire de son histoire une sorte de miroir de la société dans laquelle il évoluait : Celle d’avant, mais surtout celle d’après-guerre où chacun répondait à un code sociétal précis et où les jalousies étaient aussi dangereuses que les amours passionnées. Mis au métier de réalisateur grâce à son ami et acteur Noël Noël (La Famille Duraton), Gilles Grangier fit deux rencontres qui changèrent beaucoup de choses pour lui : D’abord Jean Gabin, avec qui il tourna 12 films, puis Michel Audiard qui devint, en quelque sorte sont scénariste attitré.
« Trois Jours à Vivre » est le quatrième film avec Michel Audiard aux dialogues. Ici, les deux hommes commencent à s’intéresser à ce qui fera la valeur de leur collaboration future avec Gabin : Le Film Noir. Et ici, sur un scénario signé de Gilles Grangier lui-même, le réalisateur va s’intéresser à non pas simplement un fait-divers, mais à une exploration de la peur, de l’avidité et en même temps du spectacle et de la conséquence de ses actes. Avec une mise en scène assez sobre mais qui va tout de même s’enrichir de moments de violences et de tensions, le réalisateur va nourrir son récit de cette humanité qui fut son image de marque. Aves des scènes dans lesquelles toutes les classes sont représentées et surtout où chaque personnage tente d’exister au regard de l’autre et des autres en général. Comme nous ne la savons pas finalement, assez, Audiard sait aussi faire preuve d’humanisme et sait parfois se laisser aller à la douceur, au sentimentalisme. Ici à travers le scénario il dépeint une société où le plaisir de la scène ne fait ombrage que lorsque les problèmes arrivent, et où le cynisme prend le pas de l’humanité. Ici, nous suivons le parcours de ce comédien, qui cherche à être connu, mais qui ne trouvera la reconnaissance que parce qu’il fut le témoin d’un meurtre. Une popularité bien fragile à mesure que la peur commence à s’installer.
Mais comme nous sommes chez Grangier, il existe toujours une sortie, un espoir, et une beauté dans des histoires, mêmes les plus sombres. Et la conclusion du film n’y échappe pas. Simon Bellin reste ce comédien qui ne cherche que la reconnaissance tout en oublient de porter un véritable regard sur les autres. Un égocentrisme qui l’empêche de voir à quel point Jeanne Fortin, l’habilleuse, l’aime à s’en sacrifier. Le duo va se tourner autour, vivre la peur de l’un et s’aveugler devant l’amour de l’autre. Le scénario intelligent et impeccable d’Audiard et la mise en scène, certes classique, mais résolument ancrée dans l’époque, font de ce film une véritable pépite dans la carrière du réalisateur.
Daniel Gélin (La vie est un long Fleuve Tranquille) y apparait tout en nuance et en subtilité dans un rôle complexe, face à une Jeanne Moreau (Jules et Jim) redoutable de douceur et de force dans le rôle de cette femme aimante mais ignorée par l’homme qu’elle aime. Quant à Lino Ventura (L’Armée des Ombres), il continue d’imposer son jeu, sa carrure et qualité de jeu presque chirurgicale. Conspué par la nouvelle vague pour le classicisme qu’elle lui reprochait, Gille Grangier n’en demeure pas moins un grand cinéaste, à découvrir ou redécouvrir.