Los Angeles et le cinéma. À l’aide de plus de 200 extraits de films, l’œuvre culte de Thom Andersen est une fresque ambitieuse sur la représentation de la mégalopole américaine. Divisé en trois parties, le film observe les choix effectués par les cinéastes sous de multiples angles, des lieux de tournage récurrents aux récits prenant la ville comme sujet. Le cinéma n’a pas simplement filmé Los Angeles, il lui a créé une histoire et un présent fictifs qui font désormais office de réalité.
Los Angeles est devenu au fil du temps une ville iconique et star des Etats-Unis avec une aura particulière, loin de l’esthétique de carte postale de New-York, par exemple. A cheval sur une faille qui menace constamment de la noyer aux yeux du monde, aux portes d’un désert et d’un océan, cette ville gagna son rang par sa géoposition qui en fit le lieu idéal pour tous les Hurluberlus gavés d’idées, d’images et voulant faire fortune dans cette toute nouvelle attraction que fut le cinéma. Car Los Angeles, c’est avant tout la ville du cinéma, la ville des fantasmes et la ville des contrastes. Loin de sa sulfureuse et lumineuse Vegas, la cité des anges a gravi les échelons de la popularité à force d’apparaître dans les films qu’elle a elle-même produit jusqu’à même s’immiscer dans des villes qu’elle ne côtoie même pas.
Et c’est toute la qualité de film documentaire signé par Thom Andersen, grand documentariste, qui en 2003, compila les images de la ville, de SA ville et les disséqua pour nous en livrer toutes les facettes, toutes les nuances et surtout pour en décortiquer le mythe afin de faire apparaitre la réalité et de livrer sous nos yeux surpris, une ville nouvelle, bien loin des paillettes, dont la légende s’est inscrit à la volonté des studios, des réalisateurs et des scénaristes qui se sont inspiré de ses rues, de ses ponts, de ses paradoxes pour ensuite se la fantasmer toujours plus belle, plus rutilante ou alors plus puzzle que carte postale. Car, l’on retrouve Los Angeles, dans une rue de New-York ou dans un bâtiment de Chicago. Pour des raisons financières ou artistiques, les réalisateurs et les producteurs ont pris des morceaux, des petits bouts, des éclats de vues de Lo Angeles pur illustrer une autre ville, que ce soit dans le futur, dans le présent et même parfois dans le passé.
Chirurgicalement, le réalisateur dissèque, s’amuse, s’offusque et montre tout l’amour qu’il éprouve pour cette ville dont les opposés se côtoient en permanence mais que le cinéma à transformé en puit d’images et d’histoire que le monde accepte comme état, mais que les habitants s’amusent en pointant ce qui leur appartient et ce qui relève de la fable. Intéressant, passionnant même, ce documentaire composé exclusivement d’extraits de films et de la voix d’Encke King nous entraine à découvrir la ville tels que les réalisateurs ont voulu nous la faire croire. Mais le réalisateur parvient à travers un plan de « Blade Runner » (1982), ou de « Chinatown » (1974) de Roman Polanski et de bien d’autres encore à déconstruire le mythe et à faire apparaitre une ville plus naturelle, plus simple et tout aussi complexe qui le furent les autres dans le monde, mais à la singularité d’avoir été cannibalisée par l’industrie qui la fait vivre et se nourrit également de ses rues, de ses bâtiments et de ses reliefs.