Dans un pays inconnu, le Bunker Palace Hôtel sert de refuge aux dignitaires d’une dictature en train de s’écrouler. Le lieu est conçu pour protéger ses occupants et leur garantir le luxe auquel ils sont habitués. Tandis que les arrivées s’échelonnent, le Président tarde à arriver. Mais Clara, une espionne rebelle, parvient à s’infiltrer dans le bâtiment...
L’univers d’Enki Bilal en tant qu’artiste de BD est reconnaissable par ses gris très présents, un univers futuriste fait de tubes, de froideur et de dystopie derrière lesquels se cachent des messages, sur la société telle qu’il la voit au moment T mais également telle qu’il se la projette dans le futur. Les thèmes récurrents de l’artiste restent toujours ancrés dans son œuvre inspiré de la fin du communisme des années 80, avec ses bâtiments très bétonnés, très froids et lugubres, la religion et son obscurantisme.
Avec « Bunker Palace Hôtel », sa première réalisation sont il a écrit le scénario, Enki Bilal, va développer ces thèmes dans une narration à l’image de ses BD. Nous sommes en 1989, le Communisme soviétiques vit ses dernières heures (Le film sortira d’ailleurs à peu près un mois avant la chute du Mur de Berlin) et le réalisateur imagine un pays dont la dictature est en train de s’écrouler, se réfugiant dans un Hôtel de Luxe pour y attendre le président et pour s’y protéger aussi de la colère de la population soulevée. Une vision de la révolution, mais aussi de la lutte des classes où le peule reste à l’écart du luxe dans lequel s’enferme les dirigeants déchus et qui semble être, à leurs yeux, leur barrière contre la violence de ceux qu’ils ont opprimés pendant des décennies.
Le scénario de Bilal est assez linéaire et ne se limite parfois qu’à de simples petites phrases. Très inspiré du cinéma Italien néo-réaliste, « Bunker Palace Hôtel » est, avant tout, une œuvre dystopique dans laquelle la peur des personnages est omniprésente autant que la paranoïa. Enki Bilal ne laisse les grandes tirades qu’aux officiels, le reste est affaire de questionnement, d’intrigue, d’espionnages et de doutes. Avec le recul, l’œuvre est visionnaire, mais sa tonalité d’une froideur assez obsédante peut déstabiliser le spectateur qui a bien du mal à voir dans quelle direction le réalisateur veut nous emmener. Mais les années ayant passées, l’histoire ayant écrit ce chapitre, le film apparaît beaucoup moins conceptuel que lors de sa sortie, avec, au contraire une certaine vision, sombre mais, au final, réaliste et humaniste de la société de cette in des années 80.
Côté mise en scène Enki Bilal, utilise toutes les profondeurs, toutes les perspectives, conserve son univers grisonnant, bétonneux et tubulaire pour garder une froideur permanente dans une histoire que l’on imagine crédible lors de la chute du communisme où tous les dignitaires véreux ont du fuir et s’enfermer dans des lieux, loin de la « populace », tout en s’accrochant au luxe dont ils ont bénéficié alors que le peuple mourrait de faim. Comme toute première œuvre, « Bunker Palace Hôtel » souffre d’une envie de son réalisateur de trop bien faire de soigner ses plans et de soigner sa narration tout en oubliant parfois la dynamique et la fluidité, qui fait que le film ressemble parfois à une série de scénettes, où le temps s’arrête le temps d’un dialogue ou d’une action.
« Bunker Palace Hôtel » et le premier film d’Enki Bilal qui n’en signera que trois dans sa carrière dont le mésestimé « Immortel Ad Vitam ». Le réalisateur y imprègne tous ses thèmes : la lutte des classes, la fin du communisme et la société dystopique. Une œuvre intrigante surprenante, mais, pour l’époque, en France, Avant-gardiste et visionnaire.