Dans une ville de province indéterminée, le fils d'un notable complètement ivre écrase un ouvrier au petit matin. L'affaire est étouffée et un journaliste témoin de la scène, Michel Dolannes, se voit prié par son patron d'oublier ce qu'il a vu, le père du coupable étant un annonceur important. Las de mettre son honneur professionnel dans sa poche, "Mick" décide alors de fonder un journal digne de ce nom pour dénoncer les turpitudes des puissants, aidé par un copain du journal et une fantasque jeune femme russe qui a fui l'URSS. Mais on ne s'en prend pas impunément aux pouvoirs en place…
Jean-Pierre Mocky aimait surprendre, choquer et surtout tordre le coup à la société française et particulièrement ceux qui l’insupportais comme les Supporters dans « A Mort L’Arbitre ! » en 1983. Mais ce que Mocky aimait surtout, c’était maltraiter les bourgeois, une galerie de personnages qui a foisonné dans toute sa carrière et dont il s’est évertué à montrer les travers et surtout à les rendre aussi repoussant qu’attachant.
Avec « Un Linceul n’a pas de Poches », en 1974, Mocky s’attaque à la presse et à son indépendance qui peut se heurter au manque e courage de ses rédactions. Ici, à travers le personnage de Michel Dolanes, le réalisateur va s’attaquer à toutes les couches de la population qu’il exècre : Les politiciens, les faux gauchistes, les affairistes et surtout les bourgeois, comme à son habitude. Adaptation d’un roman Noir d’Horace Maccoy, « Un Linceul n’a pas de poches » est une œuvre qui s’éparpille, comme souvent chez Mocky (Reflet de sa propre personnalité) mais qui trouve toujours son sens dans un rythme et dans un sens du dialogue que l’on ne trouve que chez lui.
Car si « Un linceul n’a pas de poches » est un film déroutant par sa construction et son aspect survitaminé dans le rythme, il n’en demeure pas moins un film dans lequel Mocky tend un miroir à une grande partie de la population qu’elle soit issue de la classe moyenne ou de la bourgeoisie. Les choix, les idéaux de chacun ressortent avec une certaine violence et parfois avec une certaine froideur qui contraste avec l’humour et l’aspect café de la gare qu’il peut donner à son film. On y voit la nature humaine à travers ce regard si spécifique que pouvait avoir Mocky, et ce ton parfois théâtral que pouvaient avoir ses comédiens, ne vient que renforcer le trait de cette image précise, de cette dynamique subtile qui, sous couvert d’un film noir, se révèle, au contraire une remarquable satire de la société des années 70, où tout n’est pas toujours bon à dire surtout lorsque cela touche les puissants. Avec un ton bien à lui, Jean Pierre Mocky fait sauter les verrous.
Avec son casting Trois étoiles qui comprend Michel Galabru (Le Gendarme de St Tropez), monstre sacré à la carrière incroyablement longue, Jean-Pierre Marielle, l’inoubliable acteur au phrasé si haut et si précis que l’on a pu voir dans « les Galettes de Pont-Aven », Michel Serrault (Garde à vue), acteur incroyable qui ne refaisait jamais la même prise, Sylvia Kristel (Emmanuelle), choix osé pour Mocky, tant l’image de l’actrice est restée attachée au film érotique, ou Jean Carmet (Germinal), immense acteur un peu trop oublié à mon goût tant son talent était grandiose, « Un Linceul n’a pas de poches » est un film noir, qui donne l’impression de n’avoir pas de structure, mais la subtilité avec laquelle, le réalisateur, qui a également signé le scénario, distille ses messages autour de l’honneur et déglingue à tout-va ses cibles favorites. Seul regret le jeu du réalisateur qui vient en contraste saisissant avec le talent de ses acteurs.