Surqualifiée et surexploitée, Rita use de ses talents d’avocate au service d’un gros cabinet plus enclin à blanchir des criminels qu’à servir la justice. Mais une porte de sortie inespérée s’ouvre à elle, aider le chef de cartel Manitas à se retirer des affaires et réaliser le plan qu’il peaufine en secret depuis des années : devenir enfin la femme qu’il a toujours rêvé d’être.
Prix du jury, prix d’interprétation féminine pour l’ensemble du Cast, une course aux Oscars plutôt bien lancée puisqu’il est déjà nommé 6 fois dans la shortlist, « Emilia Pérez » est le nouveau chef d’œuvre du réalisateur Jacques Audiard, grand habitué de la Croisette et multi récompensé avec des œuvres telles que « Un Prophète » en 2009 ou encore « De Rouille et d’Os » en 2012. Audiard, c’est un état d’esprit, une vision précise de son sujet et surtout une envie d’aller là où on ne l’attend pas. D’un film carcéral il passe à un drame sur la reconstruction après un accident, pour ensuite parler de l’intégration (Dheepan), puis un Western (Les Frères Sisters), puis ensuite une comédie dramatique sur la valse des sentiments (Les Olympiades) et maintenant « Emilia Pérez » dont le sujet principal pourrait être le destin d’une personne Transgenre, mais se révèle être bien plus que cela. Et notamment sur ce que ce changement implique de bouleversement dans la vie de la personne en question et dans celle des autres.
Mais Audiard, qui est parti d’un personnage découvert dans le roman « Ecoute » de Boris Bazon. Un personnage de Narco Trans qui souhaitait se faire opérer, mais non développé dans les chapitres suivant du roman. Jacques Audiard a donc commencé une ébauche de script, puis petit à petit l’histoire a commencé à prendre forme et toujours en se basant sur le roman de Bazon y a apporté quelques changements, notamment sur l’avocat qui devient une avocate et change complètement de caractère. Ce qui surprend déjà dans le scénario, c’est la manière dont Jacques Audiard va s’emparer de ce Narcotrafiquant qui en plus de vouloir changer de sexe espère également changer de vie mais se laisse peu à peu rattraper par ses sentiments et dans le même temps par sa nature profonde. Car c’est bien de cela que parle « Emilia Pérez », de la nature profonde, de ce changement de sexe qui ne peut être une simple lubie, mais un véritable travaille intérieure, une prise de conscience de ce corps qui ne correspond pas à son esprit.
Avec une véritable virtuosité, Jacques Audiard, passe par bien des styles : La comédie Musicale, le drame, le thriller, comédie de Mœurs et même Télénovella. Le réalisateur reste accroché à ses trois personnages : Emilia, qui doit, une fois sa nouvelle apparence assumée et acceptée, refaire sa vie et relier les fils du passé avec le présent. Rita, qui apparaît d’abord comme une avocate ambitieuse qui voit en l’opportunité de travailler pour Perez, mais qui va comprendre toute la difficulté et la souffrance qu’une personne Transgenre doit endurer et le travaille psychologique qui doit se faire pour suivre son parcours. Et puis, bien sûr, Jessi, la femme qui ne sait rien de la transformation de son mari qu’elle croit mort et se retrouve à assumer une vie qu’elle n’avait pas choisi. Jacques Audiard qui ne fait jamais de répétition, en arrivant sur le terrain de la comédie Musicale, a du se prêter à l’exercice et cela donne une œuvre d’une puissance rare, qui lève un voile sur la Transidentité avec une pudeur et une force remarquable qui n’est jamais hors sujet et encore moins pathos, bien au contraire, il montre la force et la souffrance du parcours d’Emilia.
Et pour conclure, il est impossible de ne pas parler de la performance d’une rare intensité et d’une justesse touchante et souvent déchirante de Karla Sofia Gascon (Rebelde), une actrice Transgenre, qui a aidé Jacques Audiard dans l’écriture de son scénario e répondant aux questions personnelles du réalisateurs qui souhaitait mieux connaître son parcours afin de mieux cerner son personnage. Face à elle, Zoé Saldana (Les Gardiens de la Galaxie), impeccable de précision et de force, qui s’éloigne radicalement de ce que Hollywood lui a offert ces derniers temps entre super-héros et saga de science-Fiction. Et enfin Selena Gomez, s’écartant le temps d’un film de sa série « Only Murder in the Building » qui livre une prestation entre tristesse déchirante et colère parfaitement maitrisée. Autant dire une nouvelle œuvre majeure de Jacques Audiard, à découvrir d’urgence, si cela n’a pas été déjà fait.