Courant sur plus d’un demi-siècle, l’œuvre d’Otar Iosseliani est avant tout l’affirmation d’un ton inimitable, dont la lucidité implacable ne se dépare jamais d’une poésie douce et d’une humanité franche et généreuse. Sa caméra, toujours à juste distance, observe les actions humaines avec une malicieuse bienveillance teintée de mélancolie, capturant l’essence de la condition humaine par son regard acéré. De ses débuts en Union soviétique à son exil en France et sa reconnaissance internationale, Otar Iosseliani se révèle comme un penseur essentiel du cinéma, dont l’intelligence, la culture et la légèreté forment un cocktail unique et inoubliable. Alternant courts et longs-métrages, fictions et documentaires
DISQUE 1 :
« Aquarelle » (1958) : Le père d'une famille très pauvre vole l'argent du ménage sous le matelas et s'enfuit par la fenêtre. La mère part furieusement à sa poursuite... jusque dans le musée où l'homme s'est réfugié.
« Le Chant de la fleur Introuvable » (1959) : Un vieil homme, amoureux de la nature, réalise de magnifiques compositions florales. Mais des tracteurs envahissent peu à peu les champs de fleurs.
« Avril » (1961) : Un jeune couple s'installe dans un appartement neuf et vide dans lequel eau, gaz et électricité sont commandés par la simple expression de leur amour. Mais une partie de leur voisinage, obnubilé par un frénétique besoin de possession, finit par les convaincre de la nécessité de s'équiper en biens mobiliers et électroménagers.
« La Fonte » (1964) : Le travail de quatre fondeurs dans une usine métallurgique de Roustavi.
« La Chute des Feuilles » (1966) : Le premier grand film d'Otar Iosseliani, chroniqueur attentif de son pays, la Géorgie soviétique.
DISQUE 2
« Vieilles Chansons Géorgiennes » (1969) : Hommage en musique à la culture géorgienne.
« Il était une fois un Merle Chanteur » (1970) : La journée d'un dragueur géorgien qui a travers ses rencontres se laisse doucement bercer par la vie.
« Pastorale » (1975) : La rencontre des musiciens d'un quatuor a cordes de la capitale et des habitants d'un petit village.
DISQUE 3
« Sept Pièces pour Cinéma Noir et Blanc » (Lette d’un Cinéaste) (1982) : « Avant de venir en France, on m’avait dit que les Français étaient très fermés, mesquins. Je ne le pense pas. Je suis entouré de gens généreux que votre pays m’a donné comme amis, comme proches. Ce petit film que vous allez voir est inspiré par l’amour que j’éprouve pour eux. » (Otar Iosseliani, extrait du commentaire du film).
« Euskadi » (1983) : Une fête et ses préparatifs dans un village du pays basque.
« Les Favoris de la Lune » (1984) : Des objets anciens passant de mains en mains nous font découvrir des êtres possédés par la folie de l'argent. Les destinées de ces personnages, cambrioleurs ou bourgeois malhonnêtes, amants des uns, amis des autres, se croisent pour former l'intrigue du film.
« Un Petit Monastère en Toscane » (1988) : Autour des prières, chants, réfections de manuscrits et offices, la vie de cinq moines augustins français dans un petit monastère de Toscane, l'abbaye de Sant'Antimo à Castelnuovo dell'Abate.
DISQUE 4
« Et la Lumière fut » (1989) : Des bucherons viennent troubler puis détruire la sérénité d'un village au cœur de la foret africaine.
« La Chasse aux Papillons » (1992) : A travers l'histoire de deux sympathiques vieilles dames qui vivent dans un château délabré, parabole sur un monde et une époque qui vont disparaitre a tout jamais.
DISQUE 5
« Seule Géorgie » (1994) : Documentaire en trois parties (Prélude, Tentation et L'Épreuve), qui retrace 2000 ans de l'histoire mouvementée de la Géorgie à travers des documents filmés et des extraits de films.
DISQUE 6
« Brigands, Chapitre VII » (1996) : Les aventures de Vano, tour à tour roi, commissaire du peuple et vagabond d'un petit pays beau, riche et très convoité par les voisins.
« Adieu Plancher des Vaches ! » (1999) : Nicolas, fils ainé d'une famille riche sous l'emprise d'une mère redoutable femme d'affaires, passe ses journées dans la grande ville voisine. Il y travaille, loin de son milieu d'origine, comme laveur de carreaux et plongeur dans un bistrot. Parfaitement lucide sur son cercle ferme de snobs cupides, il ne remarque pas du tout la bassesse de ses nouvelles relations : commerçants, petits-bourgeois, jeunes voyous. Comment cette ville va-t-elle accueillir ce fanfaron de Nicolas, nonchalant et crédule ?
DISQUE 7
« Lundi Matin » (2002) : Vincent habite dans un petit village où il croise régulièrement les mêmes personnes. Tous les matins, il se rend à l'usine chimique pour travailler, et le soir, il s'occupe de sa famille. Un jour, il n'en peut plus et décide de partir en voyage avec l'argent donné par son père.
DISQUE 8
« Jardins en Automne » (2006) : Vincent est ministre, homme puissant, pas trop laid, plutôt élégant, buveur, mangeur, bon vivant. Odile, sa maîtresse, une très belle fille, est intelligente, lucide, charmante. Ne liez pas votre destin à de trop belles filles mes amis : ça peut vous coûter cher. Dès que Vincent est chassé de son poste, elle le plaque. Théodière, le nouveau ministre, investit le somptueux bureau de Vincent. Il casse tout : il change les étagères, le tissu d'ameublement, le bureau, les fauteuils, jusqu'aux cendriers et aux téléphones. Pour longtemps, qui sait ? Il est optimiste. Par contre, l’ex-ministre Vincent commence à vivre... Et si, à la fin de notre histoire, Vincent croise Théodière, son rival et successeur en disgrâce à son tour, ce sera sans haine, ni joie perverse : "Tu as l'air fatigué... tiens, bois un coup !".
DISQUE 9
« Chantrapas » (2010) : Nicolas est un artiste, un cinéaste qui ne demande rien tant que de pouvoir s’exprimer, et que tous voudraient réduire au silence. A ses débuts en Géorgie les "idéologues" espèrent pouvoir le faire taire, considérant que son œuvre n’est pas conforme aux règles en vigueur. Face à leur détermination, Nicolas quitte son pays d’origine pour la France -terre de liberté et de démocratie. Mais "L’état de grâce" sera de courte durée.
« Chant d’Hiver » (2015) : Certaines ressemblances sont troublantes. Ainsi celle de ce vicomte guillotiné, pipe au bec, pendant la terreur, d'un aumônier militaire au torse tatoué comme un truand et baptisant à la chaîne des militaires, pilleurs et violeurs, avec un clochard parisien réduit à l'état de planche par un rouleau compresseur et finalement d'un concierge lettré - mais aussi trafiquant d'armes - d'un gros immeuble. Presque tous les personnages du film se croisent dans cet immeuble, sauf bien sûr les sans-abris que les flics transbahutent d'un lieu à l'autre sans ménagement. Et pourtant au milieu de tout ce chaos, il y a des espaces de rêve, des histoires d'amour, de solides amitiés qui peut-être nous permettent d'espérer que demain sera mieux qu'aujourd'hui.
En 2023, disparaissait l'un des plus grands réalisateurs Géorgien : Otar Iosseliani. Un metteur en scène au style unique empreint de poésie et d'un regard toujours direct mais discret sur la société Géorgienne et plus particulièrement sur cette société sous l'ère Soviétiques. Et c'est justement son regard, sa poésie et son anticonformisme qui feront que bon nombre de ses œuvres furent interdites en URSS. Si l'on prend, par exemple, « Avril » sorti en 1961, où le réalisateur sur un ton burlesque va décrire les joies et les aberrations du capitalisme mais également les travers de la société Géorgienne sous l’ère soviétiques avec l’omniprésence du voisinage, toujours prompt à donner un jugement ou à espionner les faits et gestes du couple, en allant jusqu’à être intrusif ou à espionner.
Otar Iosseliani c’est avant tout un réalisateur qui aime s’amuser de ses personnages et des environnements que ce soit dans ses courts-métrages dans ses fictions ou dans ses documentaires. Avec un œil qui capture les différentes facettes de la conditions humaines. Avec bienveillance, le réalisateur sait se tenir à distance de ses personnages, de ses héros pour mieux les laisser prendre l’espace et évoluer dans un cadre défini. Dans ses fictions, on peut retrouver du Jacques Tati avec ce style si singulier, où les sons sont amplifiés et les actions plus proches du mime que de la composition d’acteurs. Le réalisateur qui, a du quitter son pays, où ses œuvres étaient souvent interdites alors qu’elles faisaient la joie des Festivals à travers le monde, n’ne n’a pourtant jamais perdu son humour et sa malice, même à mesure que le temps avançait et que son pays lui manquait.
Ce coffret est une occasion unique et précieuse de découvrir ce réalisateur méconnu du grand public et pourtant si passionnant dans sa mise en scène et dans ses histoires qu’il nous conte. Une leçon de cinéma, dans laquelle on retrouve de la légèreté, de l’intelligence, mais également une certaine mélancolie, le tout dans une mise en scène subtile et bienveillante, même lorsqu’il utilise son art pour parler de son pays et ses défauts.