À Bornéo, en bordure de la forêt tropicale, Kéria recueille un bébé orang-outan trouvé dans la plantation de palmiers à huile où travaille son père. Au même moment Selaï, son jeune cousin, vient trouver refuge chez eux pour échapper au conflit qui oppose sa famille nomade aux compagnies forestières. Ensemble, Kéria, Selaï et le bébé singe baptisé Oshi vont braver tous les obstacles pour lutter contre la destruction de la forêt ancestrale, plus que jamais menacée.
Après « Ma Vie de Courgettes », le réalisateur Claude Barras a mis 7 ans pour venir à bout de son nouveau projet : « Sauvages », un titre a plusieurs niveaux de lecture, qui en fait vient parler du combat entre la société industrialisée, celle de consommation qui veut tout au moindre prix sans se soucier une seule seconde des ravages que cela provoque sur la planète et de ceux qui vivent des bienfaits de cette planète et qui la respecte pour ce qu’elle offre et reprend. A la fois œuvre écologique et initiatique, « Sauvages » vient d’abord mettre en lumière les contradictions, les paradoxes que ces combats engendrent. On combat ceux responsables de la déforestation, mais on vit également grâce à eux. Nous refusons de manger de la viande, pour une idéologie, mais la nature, elle se contrefiche de l’idéologie, elle respecte un cercle vertueux dans lequel nous sommes engagés.
Drôle, autant que touchant, « Sauvages » ne cherche jamais à imposer des idées, mais plutôt a susciter des réactions sur un fléau silencieux que les voix alarmantes ont bien du mal à se faire entendre. Certains pourront être surpris par certains dialogues, un peu crus, mais cela correspond à notre époque dans laquelle le réalisateur et ses scénaristes : Catherine Paillé (Les Magnétiques), Nancy Huston (La Nouvelle Femme) et Morgan Navarro (Ma Vie de Courgettes) ont voulu planter l’action du film pour mieux alerter sur les désastres de la déforestations, en gardant une narration fluide, mais sans pour autant sombrer dans le dialogue trop enfantin, afin que le film parle également aux parents venus accompagner les enfants. Autre choix crucial, celui de planter le décor à Bornéo, grande ile située en Asie qui fait écho sur une superficie bien plus petite (743 330 Km² soit un peu plus de 74 Ha) à la Forêt Amazonienne (550 000 000 Ha) qui tremble du même mal, et dont l’incroyable biodiversité est mise à mal par une action humaine, bien difficile à contrôler.
Et nous pourrions penser que l’utilisation du Stop Motion pourrait être une technique un peu vieillotte qui soit un frein à cette envie d’ancrage dans notre époque, il n’en n’est rien, car « Sauvages » bénéficie d’un traitement et d’une maitrise de la technique qui captive le spectateur et le plonge durablement dans l’histoire pour ne plus le lâcher. Le réalisateur et son équipe ont mis 7 ans pour faire aboutir le projet et cela se voit. Les décors brillent par la précision des détails (Il faut dire qu’ils furent entièrement construits pour l’occasion à grand renfort de photos). Rien ne fut laissé au hasard et les mouvements des personnages, que ce soit sur les visages ou les membres sont d’une fluidité qui n’a pas à rougir devant le travail des Studio Aardman par exemple.
Et pour conclure la chronique, il est impossible de ne pas parler du doublage. Car, il donne au film une grande partie de sa réussite, sans parler, bien sûr, des bruitages. A commencer par Benoit Poelvoorde (Podium) qui offre une prestation toute en douceur mais avec une précision de jeu tout aussi touchante que dans ses meilleures prestations. En doublant le père de l’héroïne, il lui donne à la fois une douceur et une certaine nuance dans sa diction quand vient l’heure du choix. Face à lui, Laetitia Dosch (Le Roman de Jim) vient jouer le contre-point en incarnant une femme lancée à corps perdu dans cette préservation de l’île et de son écosystème. A noter la présence également du chanteur et Romancier Gaël Faye, en voix de radio.