Au XVIème siècle, un alchimiste invente un étrange mécanisme permettant d’accéder à la vie éternelle. A l’époque actuelle à Mexico, Jesús Gris, un vieil antiquaire, découvre l’horloge de Cronos dissimulée dans une statue. L’objet lui injecte un puissant venin qui lui redonne force et jeunesse, mais le rend dépendant au sang humain. Devenu un monstre, Jesús ne peut compter que sur l’aide de sa petite-fille. Le duo doit lutter contre un richissime homme d’affaires rongé par la maladie, prêt à tout pour posséder le mystérieux appareil.
Point de départ d’une carrière hors norme, où les thèmes récurrents tels que l’enfance face aux dangers, les monstres et la religion, Guillermo Del Toro (La Forme de l’eau), signe un premier film à la fois déroutant par sa construction mais également par les différentes inspirations qui semblent nourrir son imaginaire. Réalisé alors qu’il n’a que 28 ans, « Cronos » laisse apparaitre un réalisateur, déjà, d’une grande maturité qui sait construire des ambiances et nous emmener dans un univers où les monstres se trouvent là où nous ne l’imaginons pas. Ici, nous suivons donc le parcours de Jesùs Gris, une sorte de jeu de mot amusant qui plante le personnage, et ce que Del Toro veut en faire, qui vient de trouver un mécanisme, inventé par un alchimiste, dont le venin lui procure les prémices de la vie éternelle, mais en contrepartie l’homme devra se nourrir de sang humain.
Comme nous le comprenons très vite, Guillermo Del Toro s’accapare plusieurs mythes et créé le sien, celui de cette course à l’immortalité qui se fait au prix fort, au risque même de mettre en danger les siens et de se laisser corrompre par le pouvoir ainsi détenu. Une immortalité qui devient une vie de souffrance que le mécanisme illustre parfaitement. En opposant son héros, qui, à la base, ne demandait rien de particulier à ce richissime homme d’affaire condamné par la maladie et qui souhaite plus que tout obtenir cet objet, le réalisateur qui a signé son scénario, livre une œuvre toute en opposition permanente et constamment sur le fil du rasoir.
Dans un sens constant de servir la narration, le réalisateur soigne ses décors et ses éclairages, afin de servir une symbolique qui viendra alimenter son propos et créer ainsi l’univers dans lequel ses personnages vont évoluer et où les spectateurs vont ainsi avoir l’impression d’évoluer dans un univers connu sans pour autant perdre de vue l’originalité de la mise en scène de Guillermo Del Toro.
Tout est déjà en place dans « Cronos » de Guillermo Del Toro, la singularité des décors et cette mixité permanente entre différents courants qui vont du film d’horreur au mélodrame. Ici, les personnages sont attachés par des liens qui vont à un moment précis provoquer une bascule. Ainsi, le réalisateur peut tisser son histoire, illustrer les changements qui s’opèrent chez Jesùs Gris après l’absorption du venin et y insuffler tous ses thèmes favoris qu’il ne cessera de développer tout au long de sa carrière, que ce soit celui des monstres, mais également celui de l’isolement ou du rapport à l’autre, de l’enfance en danger face au monde des adultes où le bien et le mal ne cessent de s’opposer. « Cronos » c’est la naissance d’un réalisateur majeur qui obtiendra une place aussi prestigieuse que celle de Quentin Tarantino dans son style, celui d’un cinéphile hors normes à la signature reconnaissable et à son goût pour développer des univers.