Critique de Simon Volant (cette édition 2025), Emmanuel Galais (version cinéma sortie en 2011) et Chanh Hong (Final Cut de 2019).
Le Pitch
Pendant la guerre du Vietnam, le Capitaine Willard est chargé d’une mission secrète : remonter un fleuve pour éliminer le Colonel Kurtz. Ce dernier, ancien béret vert, a déserté l’armée pour se réfugier à la frontière entre le Vietnam et le Cambodge. Il règne sur une petite armée de fanatiques et commet des actes d’une violence extrême. Ce voyage de Willard vers l’inconnu devient une descente aux enfers, où il affronte non seulement un ennemi, mais aussi et surtout la folie et la déshumanisation causée par la guerre.
Critique
Apocalypse Now, réalisé par Francis Ford Coppola, est une adaptation libre du roman « Au cœur des ténèbres » de Joseph Conrad et intégré dans le contexte de la guerre du Vietnam. Le film, primé à Cannes dans une version non achevée, est devenu un classique du cinéma de guerre, notamment pour sa représentation du conflit vietnamien. Le tournage, marqué par des conditions chaotiques et une durée exceptionnellement longue, a été documenté dans le making-of Heart of Darkness. Ce documentaire est fourni sur un second disque UHD dans le coffret. Il sera détaillé dans la section Bonus.
Coppola, passionné et exigeant, a insisté pour que le film soit tourné sans compromis, malgré les défis logistiques et financiers. Les scènes de guerre ont été réalisées en grandeur nature aux Philippines, avec de vrais avions et des explosions réelles, ce qui a contribué à l’impact visuel et à la modernité du film. Après le succès du Parrain, Coppola souhaitait offrir une vision unique de la guerre du Vietnam, en explorant sa folie et son absurdité. Contrairement à d’autres réalisateurs, il a choisi une approche psychologique et cynique, où chaque plan reflète la déchéance humaine et l’absence de repères.
Avec ce film, Coppola inaugure sa toute nouvelle société de production. Justement, Apocalypse Now sera une production infernale avec des errements artistiques, des acteurs exigeants ou remerciés, des évènements climatiques exceptionnels dans un pays en pleine guerre civile. Endetté sur son patrimoine, Coppola était à deux doigts de la faillite professionnelle et personnelle. Il sera sauvé par le succès critique et public du film.
Apocalypse Now dépasse le cadre traditionnel du film de guerre. Il s’agit d’un voyage initiatique où Willard, en remontant le fleuve, découvre progressivement l’horreur et la folie qui rongent les soldats américains. Le Colonel Kurtz, figure centrale du film, incarne la chute ultime dans la barbarie. Coppola montre comment la guerre transforme les hommes, non pas en héros, mais en « bêtes sauvages », privées de toute humanité.
La mise en scène, à la fois avant-gardiste et immersive, renforce cette atmosphère oppressante. Les acteurs livrent des performances marquantes : Marlon Brando, bien que peu présent à l’écran (10 minutes à peine), impose une présence mystique et terrifiante en tant que Kurtz. Martin Sheen, dans le rôle de Willard, offre une interprétation intense et nuancée, malgré une crise cardiaque survenue pendant le tournage. Robert Duvall, dans le rôle du Lieutenant-Colonel Kilgore, et Dennis Hopper, en photojournaliste, apportent également des prestations mémorables, malgré des apparitions limitées. Harrison Ford apparaît brièvement au début du film.
Le personnage de Kilgore, avec sa réplique culte « J’aime l’odeur du napalm au petit matin », symbolise à lui seul le cynisme et la déconnexion de la réalité qui caractérisent le film. La scène de la Chevauchée des Walkyries, où des hélicoptères attaquent une plage au son de Wagner, illustre cette folie guerrière, tout comme les différentes étapes du voyage de Willard, où chaque rencontre le rapproche un peu plus de l’abîme.
Apocalypse Now existe en plusieurs montages :
Version cinéma (1979) : La plus courte, centrée sur l’essentiel.
Redux (2001): Une version allongée de 49 minutes, qui approfondit la folie de Kurtz et l’absurdité de la guerre. Certaines scènes supplémentaires, comme celle des colonies françaises, ajoutent des paradoxes et renforcent l’immersion du spectateur. Cependant, certains puristes regrettent que ces ajouts atténuent le mysticisme autour du personnage de Kurtz.
Final Cut (2019): Considérée comme la version définitive du réalisateur, elle se situe entre les deux autres en durée. Les ajouts les plus décriés de la version Redux ont été expurgés comme la séquence Playboy.
Pour cette édition, Coppola himself nous introduit les différentes éditions et explique pourquoi la version Final Cut reste la version retenue pour cette édition Ultra HD-HDR.
Verdict
Apocalypse Now reste, plus de 40 ans après sa sortie, une œuvre majeure du cinéma, qui explore les conséquences psychologiques de la guerre du Vietnam. Grâce à une réalisation audacieuse, des performances d’acteurs exceptionnelles et une réflexion profonde sur la nature humaine, le film continue de marquer les esprits plus de quarante ans après sa sortie. Il reste une référence pour comprendre comment le cinéma peut dépeindre la folie, l’absurdité et les blessures invisibles des conflits armés.
Coppola y parvient en mêlant beauté et horreur, justesse et psychédélisme, offrant une expérience cinématographique aussi percutante qu’inoubliable.