Le procureur Martin Ferguson dispose d’un témoin clé dans la lutte qu’il mène contre une importante organisation criminelle. Mais celui-ci se tue accidentellement à quelques heures du procès. Les enquêteurs n’ont que peu de temps pour trouver la preuve qui empêchera le principal inculpé de ressortir libre du tribunal.
« La Femme à Abattre » est un film étonnant et audacieux pour son époque, mais pas seulement, c’est également un film politique. Notamment parce qu’il fut tourné en pleine période de Maccarthysme, du nom du sénateur qui fit dresser une liste noire des supposés sympathisant communistes. Cette période aussi appelée, « Chasse aux Sorcières », fut une période sombre qui s’est étalée de 1950 à 1954 et qui priva de nombreux artistes de travail. Certains noms célèbres comme Dalton Trumbo (Johnny Got His Gun), marquèrent les esprits. Et même si des célébrités, telles que Humphrey Bogart (Le Faucon Maltais), s’opposèrent à cette censure, il n’en demeura pas moins que beaucoup de réalisateurs, scénaristes et comédiens ne purent travailler, pendant ces quatre années ou le firent sous un autre nom. Ce fut le cas de Raoul Walsh qui réalisa des westerns et des films de guerre comme « L’Ange des Ténèbres » en 1941 avec Errol Flynn (Robin des Bois), qui arriva sur le projet de « La Femme à Abattre », car il remplaça au pied levé le réalisateur Bretaigne Windust (La Mariée du Dimanche), tombé gravement malade durant le tournage. Walsh refusa que son nom apparaisse au générique, pour les raisons évoquées ci-dessus. L’histoire et la postérité feront le reste.
Car « La Femme à Abattre » est un film noir dans le plus pur sens du genre. Avec, toutefois une certaine audace dans sa mise en scène, puisqu’il fonctionne sur un principe de flashback dans lequel il va dépeindre le fonctionnement d’une mafia qui n’hésite pas à faire disparaître les éventuels témoins gênants. Avec un sens de la mise en scène aigu, le réalisateur va même jusqu’à offrir certains moments d’anthologie, parfois difficiles pour l’époque, comme la mort de Rico ou encore la course poursuite avec un des suspects dans la rue. Pour un film qui n’était pas le grand évènement de l’année : « Un Tramway Nommé Désir » d’Elia Kazan, avait la préférence de Warner, « La Femme à Abattre » se démarque par une intrigue répondant à un schéma précis du film noir, mais le réalisateur parvient à créer une ambiance pesante qui tient en haleine jusqu’au bout.
Et, ne boudons pas notre plaisir, nous retrouvons également un Humphrey Bogart au meilleur de sa forme. L’acteur est déjà une star bien installée dans le paysage cinématographique de l’époque et livre ici, une prestation toute en sobriété, comme à son habitude, mais parvient également à nous surprendre dans des scènes d’affrontement avec certains des personnages. C’est également l’occasion de redécouvrir des acteurs au parcours moins prestigieux que Bogart, et qui sont oubliés maintenant, alors qu’ils ne déméritent absolument pas comme Ted De Corsia (The Twilight Zone) en gangster apeuré puis dans les scènes de flash-backs, inquiétant. Ou encore Michael Tolan (Présumé : Innocent) dont l’intrigue repose, en partie sur son personnage et qui parvient à jouer sur l’ambiguïté qu’il doit incarner en permanence.