L’histoire :
Treize samouraïs projettent d’assassiner un seigneur sanguinaire.
Critique subjective :
Pour le prolifique Takashi Miike, 2010 aura été une petite année. Le réalisateur ne signera en effet « que » deux longs-métrages, à savoir Zebraman 2 et 13 assassins, film dont il sera question en ces lignes. Avant d’aller plus loin, précisons que le titre nous parvient sous forme d’inédit vidéo et dans son montage international de 126 minutes.
Surgissant toujours là où on ne l’attend pas, Miike revient avec le remake d’un classique du film de sabre, 13 tueurs d’Eiichi Kudo (1963). Pour rappel, ce métrage, à la structure assez proche de celle des Sept samouraïs, conte l’histoire d’une poignée d’hommes valeureux projetant d’assassiner un cruel seigneur lors de son passage dans un petit village-relais. Un récit qui débouche sur une bataille dantesque opposant les treize samouraïs aux nombreux gardes du corps du seigneur. 13 tueurs version Miike, un concept pour le moins intriguant. De la part d’un cinéaste ayant notamment filmé une fléchette tirée par un vagin (Fudoh), une interminable scène de torture (Audition), un film dont le titre apparaît dans du sperme (Ichi the killer), des pratiques scatophiles (Visitor Q), un métrage sur fond de physique quantique (God’s puzzle) et l’adaptation live d’une série d’animation pour enfants (Yatterman), on peut raisonnablement s’attendre à tout. Takashi Miike. Le chanbara. Un cocktail hautement explosif sur le papier.
Si Miike va encore nous surprendre, c’est justement en ne cherchant pas à dynamiter le genre abordé (le film de sabre). Connu pour ses excès, le cinéaste va ici briller par sa retenue, sa pondération (il qualifie d’ailleurs son œuvre de « film familial » !). Dans 13 assassins, pas de script truffé d’éléments loufoques, point visuels fous furieux. Le scénario est classique (identique à celui du film de Kudo) et la mise en scène agréablement posée. Le combat opposant les treize samouraïs à quelques deux cent adversaires, pourtant propice aux débordements graphiques, sera traité avec tempérance. Seuls deux « écarts » minimes (une charge de bœufs numériques garnis d’explosifs et une scène vue à travers les yeux d’un mourant) seront à relever. Rien de plus. Trop sage Miike ? Pas du tout, le résultat est racé, classieux. Possédant un cachet « à l’ancienne », 13 assassins exhale un charme formel en provenance directe des films en costumes des années cinquante et soixante (mention spéciale aux magnifiques scènes d’intérieur chez Shimada Shinzaemon). Un régal pour les férus de cinéma nippon.
Fidèle au matériau d’origine, Takashi Miike va surtout s’attacher à en décupler l’intensité, à en amplifier la puissance. Devant son objectif, la cruauté du seigneur à abattre se trouve renforcée. Le sadisme exacerbé de ses actes (la femme mutilée, la famille criblée de flèches) lui confère une dimension quasi démoniaque. On retrouve bien sûr cette démarche d’intensification au niveau de l’affrontement final. Faite de bruit et de fureur, de sang et de boue, la séquence de combat dure près de la moitié du métrage, soit pas loin d’une heure (vous avez bien lu). En parallèle, le film a la bonne idée de clarifier certains points (le pourquoi de la mission suicide et les liens entre les samouraïs sont beaucoup plus limpides que dans le film original) et d’approfondir la caractérisation des personnages (chacun des nombreux protagonistes parvient à exister). Loin d’être trahie, l’œuvre originale se voit au contraire magnifiée par cette nouvelle approche.
Verdict :
Réussite indéniable, 13 assassins a même réussi l’exploit de réconcilier Miike avec une partie de la critique (celle qui, jusqu’alors, ne voyait en lui qu’un réalisateur bordélique). Comblé par l’expérience 13 assassins, le cinéaste japonais enchaînera d’ailleurs sur un autre remake, celui d’Hara-kiri (1962), une relecture qu’il nous tarde de découvrir.