Schizophrenia

Catégorie
Cinéma
Titre Original
Angst
Genre
Pays
Autriche
Date de sortie
04/07/2012
Réalisateur
Format
Blu-Ray
Boitier
Amaray
Producteurs
Gerald Kargl,
Scénaristes
Gerald Kargl, Zbig Rybczynski
Compositeur
Klaus Schulze
Editeur
Edition
Standard
DureeFilm
86
Support
Critique de Julien Sabatier

L’histoire :

A peine sorti de prison, un psychopathe part en quête de victimes.

Critique subjective :

"Ich schieße jetzt"

Authentique film culte, Schizophrenia aura longtemps appartenu à la catégorie des chefs-d’œuvre maudits et invisibles. En raison de son caractère sulfureux, le métrage ne put être exploité dans la plupart des pays, laissant son réalisateur avec une montagne de dettes (aujourd’hui encore, le film ne serait toujours pas rentré dans ses frais). Angst (titre original) reste d’ailleurs à ce jour le seul long-métrage de l’Autrichien Gerald Kargl, qui se recyclera ensuite dans la publicité afin de se refaire une santé financière.

Pendant trois décades, Schizophrenia aura été, pour le spectateur désireux de le découvrir, l’enjeu d’une chasse au trésor passionnée. L’objectif étant d’avoir accès au métrage et, si possible, de pouvoir en visionner une copie décente et non tronquée. Une tâche homérique. En France, il y eut une VHS (jadis éditée chez Carrere vidéo), de rares projections en festivals et une poignée de diffusions sur les chaînes câblées. En DVD, que nenni. Il fallait dès lors se rabattre sur une VHS-rip échangée sous le manteau (votre serviteur en profite pour remercier Monsieur Nadotti) ou des éditions DVD étrangères (Allemagne, Espagne, Etats-Unis). Quelle que soit la façon de se procurer la bête, la qualité n’était pas au rendez-vous (masters fatigués, absence de VO ou de sous-titres, versions raccourcies, etc.). Longtemps annoncé, le DVD français ne sortît jamais … jusqu’à un beau jour de juillet 2012. Passionné et un brin kamikaze, l’éditeur Carlotta allait en effet se fendre d’une édition sur disque digital versatile doublée, ô joie, d’une version Blu-Ray (commercialisée à part). Schizophrenia est donc désormais disponible en haute définition. L’évènement est de taille, d’autant plus que le film est présenté avec son fameux prologue(1), en version intégrale(2) et dans des conditions techniques réjouissantes(3). On pose un genou à terre et on dit merci.

Ce qui stupéfie d’emblée lorsque l’on découvre Schizophrenia, c’est son côté formellement étourdissant. Mêlant réalisme quasi-naturaliste (c’est glauque à crever) et mise en scène ultra travaillée, Gerald Kargl et son chef opérateur Zbig Rybczynski (Angst est un film à quatre mains) nous gratifient de visuels hallucinants. Intégralement filmé via un système singulier (chaque plan a été capté à travers le prisme d’un miroir) et chevillé à son protagoniste principal (dont le point de vue fait loi), le film est truffé de trouvailles visuelles (certains cadrages tiennent toujours de l’inédit). Une véritable mine d’or en termes de mise en scène. Un pur régal pour les yeux. C’est simple, on peut avoir vu le film cent fois et découvrir encore des merveilles lors du visionnage suivant. Se déroulant quasiment en temps réel et déployant une puissance cinétique rare, Schizophrenia est également magnifié par un usage particulier du son et une bande originale inoubliable. Expérience sensorielle unique, œuvre intense, étouffante, éreintante, le métrage s’impose comme une vertigineuse symphonie macabre.

Œuvre « non fréquentable », Schizophrenia n’est cependant pas qu’un titre trash (il comporte d’ailleurs peu de violence graphique) ou purement esthétique. Derrière la simplicité de l’intrigue (à peine sorti de prison, un meurtrier repasse à l’acte), se cache en effet un fond à ne pas minorer. Angst est tout sauf un film gratuit. On est même en droit d’y voir une sacrée étude de caractère, une analyse psychologique ayant pour objet un fou homicide (joué par un Erwin Leder tétanisant de justesse). Parmi les éléments remarquables, on relèvera notamment le rapport du psychopathe à la famille (la sienne et celle qu’il décime) ou le fait que le bourreau soit lui-même une victime (de son passé, de ses pulsions). Omniprésentes, ses réflexions posées et lucides sur sa nature (il avoue avoir peur de lui-même) feront d’ailleurs de la voix off de Schizophrenia l’une des plus puissantes de l’histoire du cinéma. En tout cas la plus dérangeante. La proximité qu’instaure le procédé reste troublante à chaque vision. Situation suffocante : on se retrouve coincé dans la tête d’un fou.

Verdict :

Titre marquant (voici un film que vous n’oublierez jamais), Schizophrenia est une œuvre unique qui n’a rien perdu de sa force. Trente ans après, Angst retourne toujours le cerveau et atomise la rétine. Pour citer Gaspar Noé, on tient là « un des grands chefs-d’œuvre méconnus du cinéma ». A voir et à revoir.



(1) Précision de l’éditeur : « Le prologue de Schizophrenia a été réalisé à la demande du distributeur international pour rallonger la durée du film. Satisfait par son premier montage, Gerald Kargl ne disposait plus d’aucun budget pour ce faire. Des scènes supplémentaires ont néanmoins été tournées, en une seule journée, par une équipe très réduite composée d’Erwin Leder, de quelques figurants, de plusieurs assistants caméra, de la maquilleuse et du réalisateur lui-même. »

(2) Carlotta souligne que « Schizophrenia est présenté a format 1.77:1. Le master Haute Définition a été supervisé et approuvé par son réalisateur, Gerald Kargl. »

(3) Pour les maniaques du détail. Le prologue dure 7 minutes et 37 secondes (si l’on enlève les 15 secondes de carton introductif). Le film seul fait 1 heure, 18 minutes et 52 secondes. En Blu-Ray, l’ensemble (prologue et film) affiche donc une durée de 1 heure, 26 minutes et 29 secondes. Fin de la rubrique horloge parlante.

Définition
Couleurs
Compression
Format Vidéo
16/9 anamorphique couleur
Format Cinéma
1.77:1

Une qualité visuelle pleinement satisfaisante. L’image est plus nette que jamais et les couleurs parfaitement retranscrites à l’écran. Après des années de VHS ripées et autres supports indigents, on redécouvre le film sous un nouveau jour. Sa fulgurance esthétique en ressort décuplée. On n’avait jamais vu Schizophrenia comme ça. Eclairé, l’éditeur a eu le bon réflexe : restaurer l’image sans trop en faire (les grognons de service diront sans doute qu’il en a fait trop peu). Il reste d’ailleurs quelques défauts sur le master (dont une belle rayure de pellicule au détour d’une scène) mais c’est presque mieux ainsi. Pour son passage à la haute définition, Angst a donc conservé sa propre texture, son grain, son côté râpeux, brut. En un mot : sa personnalité. Gerald Kargl approuve ce master Blu-Ray, nous aussi.

Sous Titres
Notes
Langues
Film
Bonus
Com
Spatial
Dyn
Surr
Allemand
Non
Non
Non
Bonne
Bonne
Moyenne
Français
Oui
Oui
Non
Bonne
Bonne
Moyenne

Un son de très bonne facture. On retrouve la même démarche que pour l’image : le respect de l’œuvre doit primer. Sage décision. Plutôt que de nous balancer un 5.1 voire un 7.1 qui aurait forcément eu un côté artificiel, l’éditeur a choisi de s’en tenir à un DTS-HD master audio 1.0. Certains vont sans doute râler. Les autres apprécieront un rendu fidèle à l’esprit du métrage qui bénéficie là d’une clarté et d’un dynamisme inédits. Du tout bon. VO ou VF ? La version originale est forcément plus authentique mais la version française, comme le souligne Gaspar Noé dans les bonus, est de bonne qualité et renforce la connexion avec le tueur. A chacun de se faire sa propre religion sur le sujet. Il n’y a pas de mauvais choix possible.

Supléments
Menus
Sérigraphie
Packaging
Durée Bonus : 118 min
Livret
Bande annonce
Biographies
Making of
Documentaire
Interviews
Com. audio
Scènes sup
Fin alternative
Galerie de photos
Story board
Multi-angle
Liens internet
Interface Rom
Jeux intéractifs
Filmographies
Clips vidéo
Bêtisier
Bonus Cachés
Court Metrage

- Prologue (8 minutes) : Le prologue du film, précédé d’un texte introductif. Un concentré de bonheur également visible au moment du lancement du film.

- Entretien avec Gerald Kargl (28 minutes) : Un entretien mené par le goreux Jörg Buttgereit (réalisateur du mythique Nekromantik) et enregistré en 2003. Un supplément forcément passionnant dans lequel Kargl évoque notamment le fait divers à l’origine de son film, le choix de l’acteur principal, sa démarche de mise en scène, le financement du métrage et sa distribution.

- Entretien avec Zbig Rybczynski (29 minutes) : L’autre auteur du film (Angst lui doit énormément) nous éclaire sur les aspects techniques du tournage. Très intéressant.

- Erwin Leder / Dr. Harald David (26 minutes) : Un supplément sur les mécanismes psychologiques de la violence et la violence dans l’art. Un bonus assez curieux (concept un peu bâtard). On aurait préféré voir Erwin Leder nous parler de sa prestation.

- Influences (25 minutes) : Fan ultime du métrage de Kargl, Gaspar Noé nous en livre sa propre analyse dans un supplément riche d’informations et formellement sympathique. Le bonus incontournable de cette édition.

- Bande annonce (2 minutes) : Les excellentes bandes annonces d’époque.