Une petite communauté se retrouve sous les projecteurs des médias après la mort d'un petit garçon. Deux enquêteurs sont chargés de résoudre cette affaire délicate, tout en essayant de garder la presse à distance et de préserver le tourisme. Face à un tel drame, les habitants commencent à s'épier les uns les autres, faisant remonter à la surface bien des secrets...
« Broadchurch » fut annoncé comme un évènement télévisuel par la chaine de télévision France 2. Et dès les premières minutes, le mot « évènement » prend tout son sens. Car le ton est très rapidement donné, avec des plans très larges, aériens qui plonge littéralement dans un décor monumental où chacun des personnages semble petit. A l’image de la petite victime dont le corps parait anecdotique dans l’immensité du lieu. Les personnages apparaissent légèrement, mais de façon un peu rugueuse, on comprend tout de suite que la petite ville ne va pas vivre l’évènement avec sobriété. Le dessin des futurs protagonistes se fait comme une galerie de portraits, bruts, sans volume mais suffisamment efficace pour susciter l’intérêt et l’interrogation du spectateur.
Et la mise en scène appuie, tout au long des huit épisodes sur ce côté, sur les combats permanent du grand et du petit. Tout au long de l’enquête, on peine parfois à définir les frontières des adultes et des enfants, les deux évoluant dans un monde où les règles semblent autonomes. Certains viennent trouver une nouvelle vie, peut-être même se cacher et apparaissent au grand jour, d’autres plus en lumière masquent une part d’ombre. Qu’ils soient habitants éprouvés par le meurtre d’un petit garçon ou policier à la recherche d’un coupable, tout ce petit monde gravite autour d’une intrigue minutieusement ciselé, qui tient, sans jamais défaillir, le spectateur en haleine et l’entraine là où il en a envie pour arriver sur le résultat d’une enquête prenante de bout en bout.
Le scénario ne s’arrête d’ailleurs pas à une simple enquête criminelle, il plonge littéralement dans une peinture sociétale très pointue, où chacun des personnages se dessine doucement, pour mieux imprégner le spectateur d’une ambiance âpre entre douleur, dérive, et innocence. Chaque élément de l’intrigue cache toujours une forme de mélancolie par des blessures anciennes ou soudaines qui viennent provoquer une cassure dans une communauté éprouvée par un meurtre incompréhensible. Par des plans rigoureux et inventifs, les réalisateurs soutiennent une volonté de ne pas faire du sensationnel mais plutôt de profiter d’un décor onirique pour créer une ambiance au gigantisme oppressant.
Et la distribution participe allègrement à donner corps aux personnages avec une certaine inspiration. David Tennant (Dr Who) se matérialise en flic déterminé et obsédé aux fractures masquées qui se retrouve face à l’ensemble des habitants de la communauté et qui doit faire équipe avec une femme dépassée par ses émotions, proche de la victime et de sa famille, magnifiquement interprété par Olivia Colman. Sans oublier la composition toute en émotion et en dureté de David Bradley (Game of Thrones).
En conclusion, « Broadchurch » est une série remarquablement construite qui mêle avec beaucoup de précision le grand et le petit, cisèle avec une certaine réussite des personnages tout en nuance et en ambiguïté. Enfin une véritable grande série.