Walter Neff, un employé d'une compagnie d'assurances, tombe amoureux de sa cliente et échafaude avec elle un plan pour supprimer le mari encombrant et ainsi partager avec elle l'assurance-vie de ce dernier.
« Assurance sur la mort » est en bien des points LE symbole du film noir par excellence. D’abord parce qu’il marque un tournant évident dans l’histoire du cinéma avec une mise en scène inventive, un travail de lumière remarquable, qui sera par la suite copié par bien des cinéastes, à l’instar de l’intérieur de Phyllis Dietrichson dont l’atmosphère baigne dans une lumière distillée par des stores vénitiens qui deviendront la marque de fabrique des scènes de ce genre et dont le rendu fut déterminé par un mélange de jeux de fumées subtilement dosés et de la poussière d’argent. « Assurance sur la mort » c’est également le lancement en beauté de la carrière de Billy Wilder, à qui on devra plus tard des chefs d’œuvres tels que : « Boulevard du crépuscule », « le poison » ou encore « Certains l’aiment chaud ».
Ce film, réalisé en plein « Code Hays», une règle de conduite imposée à Hollywood par le révérende Hays en 1934, suite à différents scandales touchant l’usine à rêves américains. Les studios se lancèrent dans une autocensure systématique de leurs projets. Difficile alors de pouvoir réaliser des histoires policières avec tout ce que cela comportait comme règles subversives sans risquer de se voir censurer par la bonne pensée radicale de l’époque. Pourtant Wilder va réussir à mettre en scène une histoire dans laquelle l’adultère, la passion, les actes charnels sont sous-jacents et ainsi de suite sans jamais se faire inquiéter. Pour cela, il va réussir à tirer son épingle du jeu en cisaillant, dans la souffrance il faut bien le dire pour son coéquipier Raymond Chandler, qui ne parvient pas à suivre les pas du réalisateur, un scénario redoutablement efficace, avec des répliques cinglantes, de longues tirades construites sur mesure pour des personnages qui ne se noient dans des mensonges et dans des intrigues qui les dépassent.
Pour cela, Wilder va s’assurer une distribution de choix avec notamment Barbara Stanwyck (Obsessions), que le réalisateur ne va pas hésiter à provoquer afin que l’actrice touchée dans sa fierté donne le maximum de son talent pour faire rayonner son personnage. Et la comédienne est effectivement à la hauteur de l’attente, avec une composition toute en séduction, en sous-entendus et en dureté. Pour faire face au personnage de Phyllis Dietrichson, il fallait un comédien dont le charisme allait pouvoir faire le balancier. Wilder pensa alors à George Raft (La veuve noire), star masculine du moment, mais ce dernier, trop gourmand en changement finit par lasser le réalisateur, qui fit le choix heureux d’un comédien plus connu pour ses talents de comique que pour celui de rôle sombre et énigmatique : Fred MacMurray (Un espion a disparu). Le choix est rapidement payant, car le comédien se révèle incroyablement juste dans le rôle de cet employé d’assurance qui se retrouve plus ou moins malgré lui dans les griffes d’une redoutable veuve noire.
En conclusion, si la fin d’ « Assurance sur la mort » ne plaisait pas à Billy Wilder, le film n’en demeure pas moins un véritable chef d’œuvre du film noir qui brille par une qualité de mise en scène digne de son rival Alfred Hitchcock (qui salua d’ailleurs son talent) et par l’inventivité remarquable de la lumière créée par John F. Seitz. A voir et à revoir !