L’histoire
Schizophrène homicide, Jerry Hickfang perçoit son existence de manière enjolivée.
Critique
Succédant à Persépolis, Poulet aux prunes et La bande des Jotas, The voices est le quatrième long-métrage de Marjane Satrapi mais il constitue sa première aventure cinématographique en langue anglaise.
De prime abord, The voices a de quoi inquiéter. Son esthétique ultra saturée, dégoulinante de couleurs vives, déplaira d’emblée à certains. Il en va de même pour le côté « Dr. Dolittle » que pourrait suggérer un personnage principal conversant avec son chien et son chat. Le casting, aussi, s’aliènera certains spectateurs, ne serait-ce qu’en raison de la présence de Ryan Reynolds en tête d’affiche. Ryan Reynolds, un comédien capable de faire du bon (Mise à prix, Buried) mais dont la filmographie traîne toujours de dommageables casseroles (Blade : Trinity, Green lantern). Bref, autant d’éléments à même de générer de sérieuses réticences mais qui dénotent, en réalité, du côté assez audacieux de l’entreprise.
Sur les plans narratif et visuel, The voices est une œuvre intéressante. On peut en effet y voir une approche singulière de l’horreur psychologique. Les images bigarrées, les couleurs pimpantes, acidulées, ne sont que des dehors trompeurs dissimulant habilement une sacrée noirceur. Car tout l’enjeu du film est de nous offrir une plongée troublante dans une psyché schizophrène. En cela, il réussit. Avec une mise en scène précise et bien pensée (gros travail sur les points de vue), Marjane Satrapi nous fait adroitement partager l’étrange quotidien mental de Jerry. A ce titre, les scènes montrant sa perception après la prise de médicaments sont saisissantes et constituent le point focal du métrage. Quant aux animaux « parlants », le procédé, volontiers cartoonesque aux entournures, s’inscrit bien dans une œuvre fondamentalement protéiforme. The voices table en effet sur les ruptures de ton et le mélange des genres, convoquant comédie, psycho-killer / slasher, drame psychologique, comédie musicale et thriller. Porté par un Ryan Reynolds en grande forme (Jerry est à la fois maladroit, touchant, naïf, effrayant), le film trouve, au final, sa propre tonalité et n’évoque pas grand-chose de connu (sauf peut-être certaines œuvres de Lucky McKee).
Cela étant dit, nous ne sommes, hélas, pas dans le monde rêvé de Jerry Hickfang et tout n’est pas parfait. Aussi intéressant soit-il, le métrage n’est cependant pas toujours à la hauteur de son concept. Disons que le film fonctionne ... jusqu’à un certain point. Arrivé au dernier tiers, l’ensemble à tendance à s’essouffler (des longueurs). L’édifice vacille. On déplorera aussi un final très décevant (révélateur d’un scénariste qui ne sait comment conclure ...). Dommage car ce côté inabouti tempère les indéniables qualités de l’ensemble.
Verdict
Pas totalement concluant dans sa démarche, The voices mérite néanmoins le coup d’œil.