L’histoire
Philippines, 1945. Les troupes américaines débarquent et prennent vite le dessus sur l’armée nippone. Au cœur du chaos occasionné par la guerre, un soldat tuberculeux tente de survivre tant bien que mal.
Critique
Sorti en 1959, soit trois ans après La harpe de Birmanie, Feux dans la plaine (Nobi) est l’autre titre emblématique de la filmographie de Kon Ichikawa. Accueilli variablement à l’époque, le métrage a depuis été reconsidéré à la hausse, au point de devenir une référence pour des œuvres comme Lettres d’Iwo Jima ou la série The Pacific.
Se prendre une violente gifle et faire l’objet de sévères remontrances. Drôle de façon d’entrer en scène. Il s’agira pourtant de la manière dont sera introduit le personnage principal de Feux dans la plaine, le soldat Tamura (excellent Eiji Funakoshi). Plutôt que de nous donner à voir de classiques scènes de guerre (il y en aura très peu, voire pas), le film s’attachera à épouser son point de vue. Ainsi, nous assisterons à un véritable chemin de croix, une errance de plus en plus troublante, une impitoyable plongée en enfer. Epuisé, à bout physiquement et mentalement, Tamura apparaîtra de plus en plus débraillé, sale, maigre et malade (il finira même par perdre ses dents à cause de la malnutrition). De moins en moins humain aussi (la rencontre avec le couple de villageois, la consommation de « viande de singe »). Epouvantail décharné, le soldat sera progressivement réduit à l’état d’âme errante, de zombie. Pour lui, une seule issue : la mort. Voilà pour notre guide en ce récit désespéré ...
On l’aura compris, Feux dans la plaine est un titre d’une noirceur terrible. Un film implacable, cauchemardesque. Son ambiance suffocante, où se mêlent la faim, la crasse, le désespoir et la mort, le métrage la doit en partie à une mise en scène au cordeau, millimétrée. Une réalisation épurée et signifiante. Sans forcément en avoir l’air, la photographie en noir et blanc (un choix esthétique que Kon Ichikawa avait défendu bec et ongles) démultiplie aussi la force de cette œuvre. Pour finir, on relèvera que l’horreur nait parfois de touches d’humour qui, si elles peuvent sembler incongrues, permettent en fait de dénoncer encore plus vigoureusement l’absurdité de la guerre. Un procédé payant.
Verdict
Sans atteindre la puissance des fleurons du genre (on pense surtout à Requiem pour un massacre), Feux dans la plaine s’impose néanmoins comme une œuvre intéressante à plus d’un titre.