Du cirque au théâtre, de l'anonymat à la gloire, l'incroyable destin du clown Chocolat, premier artiste noir de la scène française. Le duo inédit qu'il forme avec Footit, va rencontrer un immense succès populaire dans le Paris de la Belle époque avant que la célébrité, l'argent facile, le jeu et les discriminations n'usent leur amitié et la carrière de Chocolat. Le film retrace l'histoire de cet artiste hors du commun.
Il y a des réalisateurs dont on imagine, évidemment, que le sujet du premier artiste noir en France, touche la corde sensible. Roschdy Zem est de cela ! Brillant et fascinant de naïveté et de détermination dans « Indigène », il apparaissait logique qu’il se retrouve à la tête de cette biographie hors du commun. Car celle de « Chocolat » (Rafael Padilla de son vrai nom), est sans commune mesure. D’abord parce qu’il fut une vedette incroyable que l’on voyait partout dans des publicité (notamment du chocolat en poudre) ou encore dans des jeux, dans des livres et beaucoup d’autres supports, mais surtout dans un music-hall, où avec son coéquipier Footit, ils faisaient rire des salles entières. Mais Chocolat, c’est aussi un homme qui aimait profondément la vie et ses plaisirs au point de s’en brûler les ailes dans une société qui considérait encore les noirs comme le chaînon manquant entre l’homme et le singe.
Alors si le réalisateur a du mal à trouver ses marques dans la première partie de cette histoire, dans laquelle il veut éviter d’appuyer trop sur la corde sensible de ce racisme évident de cette fin de 19ème siècle, début du vingtième, il parvient dans la deuxième à insuffler toute l’humanité nécessaire pour mieux comprendre les nuances de ce personnage complexe qui évolue dans une société toute aussi complexe. Notamment dans son rapport à l’autre et particulièrement l’image qui lui en est donné. Chocolat que l’on présente comme un redoutable sauvage portant le nom de Kananga, fait peur dans un cirque miteux qui profite de lui et l’associe pour son numéro à un singe. Puis après sa rencontre avec Footit, il va apparaître sous le pseudonyme de « Chocolat ». Ensemble ils vont révolutionner les numéros de Clowns et donner au genre ses lettres de noblesses. Chocolat sera adulé, mais devra lutter de manière constante contre une société qui ne le vénère que par les rires qu’il provoque, mais qui lui renvoie trop souvent sa condition d’homme noir dans une société blanche qui n’a aucune fenêtre sur le monde.
Alors effectivement, vu de notre époque, avec toutes nos connaissances, l’évolution de nos mentalités, l’histoire de « Chocolat » est aussi passionnante que révoltante, notamment dans cette saleté de condition qu’on lui renvoie à la figure en permanence. Mais, et c’est certainement le reproche que l’on peut faire au scénario, qui s’écarte de la biographie réelle du clown, (il connut le succès avant l’arrivée de Footit et ne joua jamais Othello), pour mieux appuyer cette solitude de cet homme que l’on photographie, qui gagne beaucoup d’argent, en dépense encore plus, mais souffre terriblement de n’être que "le nègre de service". Car au lieu de nous montrer un homme qui dépassa sa condition originelle qui l’empêchait, dans l’absolu, de pouvoir évoluer vers autant de succès, pour devenir une vedette révérée dans un pays qui l’avait fait venir en tant qu’esclave. Une histoire qui se suffisait à elle seule. Mais Cyril Gely (Diplomatie) et Roschdy Zem s’en serve d’un support pour un discours contre l’intolérance et le racisme (nécessaire par ces temps obscurs), mais, au final enfonce le clou, en faisant dépendre Chocolat de ses mentors blancs.
Du coup même les compositions précises et soignées d’Omar Sy (Intouchables) et James Thiérrée (Liberté) ne parviennent pas à effacer cette gêne que l’on peut ressentir d’un sujet qui, certes met en lumière un artiste oublié qui a pourtant tant donné pour faire évoluer les mentalité (premiers artistes à visiter les enfants malades dans les hôpitaux, création du clown et de l’Auguste, etc…), mais qui veut apporter un jugement maladroit sur une société qui n’avait ni la vue, ni la compréhension que nous avons maintenant. Peut-être qu’un peu plus de finesse et notamment une approche plus précise de la carrière de cet artiste aurait suffi à elle-même pour parler de tolérance et de lutte contre le racisme.