Acteur, scénariste et réalisateur de l'un des succès surprise ciné de l'année 2012 et film le plus rentable, « Les Kaïra » (1 016 184 entrées !), le bôgoss Melunais Franck Gastambide s'offre des vacances dans cette capitale des contrefaçons et du vice pour son second film. En attendant des « Kaïra 2 » ?
Parce qu'au quartier c'est la merde, qu'à a cité tout part à la dérive, Franky et Krimo, deux « cailleras » de base, décide de se faire la malle et de partir au bord de la mer... dans la plus célèbre station balnéaire après Deauville : la thaï' Pattaya, destination préférée de tous les bouffeurs de 'guez, brochettes mayo Bénédicta et autres sauces algérienne, blanche ou samouraï.
Mais s'ils ont leurs passeports, sans maille (argent) et surtout sans billets, ces deux-là vont bien devoir faire potes avec le nain du bâtiment C pour répondre à l'offre du « Marocain », un étrange ex-délinquant devenu gourou orienté « bouddhisme intégriste chelou » d'une secte naine et organisateur du championnat du monde de boxe thaï naine, invitant n'importe quel concurrent et son staff pour le combat du siècle : faisant croire au « p'tit muslim » qu'il l'emmène en pèlerinage à La Mecque, nos galériens vont l'entraîner -avec le spectateur- dans une aventure des plus périlleuses, qui va accumuler les mésaventures... et gags à la con.
Franck Gastambide n'est donc plus Mousten, ce crétin à l'éternel écharpe Burberry de la cité Gaston Tunc de Melun (77) qui commence toutes ses phrases par « franchement » et les termine par « t'as vu » rêvant de devenir Rocco Siffredi, mais Franky, un autre galérien de banlieue -qui se prend pour Vin Diesel sous sa casquette Burberry et en ne lâchant pas son survêt'.
Éternellement in love de Lilia, Franky va perdre une bonne partie des 97 minutes du film à tenter de la reconquérir, quand Frank (Gastambide), l'autodidacte réalisateur de cette nouvelle comédie 77 expat', continue de faire ses preuves dans le cinéma et de s'y imposer dans la comédie hexagonale -petite critique en « lousedé » (à la limite de l'auto-parodie?) du quartier et sa culture hip-hop en prime.
Si, outre-Atlantique, Mike Meyers a offert aux metalleux bas du front deux « Wayne's World » pastichant leur univers de rock, pin-ups et rêves de disques d'or, et Reginald Hudlin cette « House Party » de 1990, qui allait offrir au-delà d'une série de films les mésaventures d'une nuit aux sons de LL Cool J, Favor Flav et cie, F. Gastambide (le scénariste également de ce film) se détache de « La Haine » de Mathieu Kassovitz (film-phare de toutes les « técis » -qu'il citait ou détournait à plusieurs reprises dans son premier film de 2012), se contentant ici de clin d’œil vestimentaire, pour tirer désormais vers la filmographie sur-estimée de Judd Apatow (« 40 ans, toujours puceau » et autres comédies avec) et se poser dans notre PAF comique et cinématographique.
Aidé de son co-scénariste et dialoguiste Stéphane Kazandjian (qui surfe professionnellement de « Sexy Boy » comme réalisateur à co-scénariste de « Un Monstre à Paris »), cet ancien dyslexique de Franck fait la nique au système scolaire français et prouve à ses éventuels détracteurs qu'il peut très bien écrire quelque chose sur la vie de couple -ou presque- sans être une suite (attendue) des « Kaïra », comme il le répondait en interview alors que le public allait encore décider du succès de son premier « gros bébé » durant l'été 2012.
Car, oui, le couple, mais pas que se cache au cœur de cet humour pas toujours des plus légers...
Bien plus imprégné de comédies US à la « Very Bad Trip » -et surtout le 2- que d'aventures asiatiques franchouillardes comme « Mon Curé chez les Thaïlandaises », Franck Gastambide -ou une espèce d'american way of life de la réussite self made-man version molosses du 77- ne peut hélas pas compter sur ses deux complices habituels, Medi Sadoun (bloqué sur le tournage de « La Dream Team » avec Gérard Depardieu) et Jib Pocthier (sur celui des « Visiteurs 3 » qu'on ne présente plus) : confirmant que ce film n'est aucunement la suite attendue.
Remplacés par le comique qui se la raconte* Malik Benthala, venu de l'écurie Jamel, et Anouar Toubali (déjà aperçu en mini-facteur, car nain lui aussi, dans « Les Kaïra »), le trio parvient à fonctionner, même si tout le monde n'est pas Abdelkrim et Momo.
Et même si le premier (Malik Benthala) est légèrement insupportable dans son rôle de cette grande gueule décolorée qui rêve de gloire et célébrité à tout prix, walou, alors que le second (Anouar Toubali) saura être la sympathique révélation de ce film en « muslim » de petite taille, le pire du casting ne sera pas à chercher de ce coté-là : Ramzy -parrain de nos « kaïras », toujours là parmi les nombreux guests et caméos (que je vous laisserai découvrir), et moins insupportable en Reza, le cousin à la tolérance inimitable, qu'en Warren, le caïd de la cité Gaston Tunc- étant effacé dans la palme du comique troupier lourdingue par Gad Elmaleh, qui, s'il voulait oublier de lourds projets comme « Le Capital » ou « L’Écume des Jours », aurait peut-être du s'abstenir de venir... tant son rôle est pire que ce mix de mauvaise qualité du Sean Norris qu'incarnait Jamel Debbouze et des accents excessifs de Katia/Chouchou dans leur sketch de « la barre de fer ».
Passé cette erreur de casting ou mauvaise écriture et interprétation caricaturale d'un personnage (peut-être seule couille dans le potage, pour reprendre l'un des gags aussi prévisible soit-il du film), et même sans maîtriser ce verlan et ce français « muslimisé » (nos winners n'alignant presque pas une « cephra » sans un « walou », « wallah » et autres « starfoullah ») vulgarisé et à la construction grammaticale très approximative chère à notre trio et leur entourage, il est possible que vous appréciez un peu plus cette étrange carte postale plus parodique que touristique qu'un des éternels reportages diffusé et rediffusé sur la Thaïlande, ses putes et ses transsexuels de Bernard de la Villardière. Mais, vous risquez de vous marrer autant. Ou presque.
Citant autant « L'Exorciste » que « Bloodsport » ou Patrick Bruel et « La Première Étoile », Jésus-Marie-José-Perec, quand il ne tombe pas dans la facilité scato' de Judd Apatow (avec le gag qui vous fera hurler mais peut-être pas que de rire, si votre copine ne quitte pas le canapé en beuglant pour aller « bégère »), Franck Gastambide parvient à faire transparaître sous cette accumulation de conneries (ou des mésaventures et de gags, selon votre vocabulaire) deux très beaux messages sur le respect et la tolérance, faisant de ce « paradis des kaïras », à la fois, une satire de cette jeunesse hexagonale -qui sortie de « La Haine » ou « Ma 6-T va cracker » part se la jouer caïd touristique façon « Scarface » en joggings sous 35°- et une critique des travers de ce phénomène touristique qui mène ces millions de « zgegs » en quête de « shneks » faciles et pas chères dans les rues illuminées de Pattaya et Phuket, deux villes très cul...turelles.
Remixant les galères de la réalité et les attentes de ces vacances expatriées avec ces délires -qu'il avoue avoir raconté et imaginé tant de fois, comme beaucoup de branleurs en bas de la tour ou à l'arrêt de bus (dont on ne bouge jamais), pour passer le temps- pour glisser vers sa toujours aussi sympathique mais trash et irrévérencieuse caricature de ce milieu hip-hop et de cette culture banlieusarde dont il est issu (taclant les méfaits de la célébrité à tout prix -télé-réalité, buzz YouTube et cie- cette dépendance hyper-connectée aux smartphones et réseaux sociaux, le tourisme sexuel et l'homosexualité, et d'autres sujets d'actualité sans islamophobie mais humour, etc), le scénario parvient à ne pas laisser un blanc dans le rythme des punchlines qui tuent ou puent, non sans éviter des clichés sur la Thaïlande ou risquer d'en faire l'apologie (et y attirer encore plus de touristes ?), pour amener tout de même son film vers ces messages exprimés plus haut (respecter Karim, ce nain du bâtiment C, et arrêter d'appeler une fille la « segro » alors qu'on ignore tout de sa vie et de ses problèmes, ou qu'aimer une fille, c'est aussi aimer toutes les « meufs », qu'elles aient des petits « eins » ou... une petite « teub » !) avant de finir tout de même, patatras, par se vautrer dans la facilité scénaristique d'un bis repetitae brisant la jolie musique de cette bande alliant aussi bien Fat Larry's Band (« Act Like You Know ») que l'inévitable « Pattaya Pattaya » de Lou Deprijck.
Coté réalisation, le film offre à ses spectateurs deux très beaux moments musicaux -qui pourraient ouvrir une voie clip-vidéo à Franck Gastambide ?- avec une chorégraphie à l'américaine de Ramzy et des retrouvailles sur ce mielleux « A Cause de toi » de Léa Castel ainsi qu'une série de courtes scènes « YouTube » excellentes et qu'il maîtrise depuis 2008 (mais que la fausse bande-annonce de « L’Île de la Ken » et ses chiens de la casse mine, selon moi), tout en parvenant à parfaitement réciter ce cinéma dans lequel il a fait ses armes et vu ses rêves de gosse se réaliser (tournant ici avec une femelle orang-outang que j'ose espérer bien traitée après un ours et des années de formation avec des chiens).
Avec un second film encore mieux maîtrisé et à la dynamique quasi-hystérique supérieure au premier, Franck Gastambide fera tout pour tenter de vous arracher un rire à chaque scène, chronométré, à l'américaine, quoiqu'il en coûte, le pire comme le meilleur.
Alors, oui, si vous voulez un instant oublier la facture et couper la 4G, comme le chanterait AP avec Rim'K dans la bande-son de « Pattaya », et que vous n'aviez pas pris votre billet (votre séance perturbée ou non par une vingtaine d'adolescents, de Versailles ou Rosny) pour partir pour le fun dans ce genre de remake de « Very Bad Trip », ne loupez pas ce film (en DVD et Blu-ray). Et peut-être vous aurez votre kif' toute la night aussi. Full Moon ou pas.
Mais, attention, ce film -qui peut ne pas correspondre à tout public- est loin d'être une véritable publicité pour cette ville et le pays, tant s'y cumule les clichés et une bonne petite pointe de critique déguisée.
*Le rédacteur n'a bien sûr rien contre Malik Benthala mais ne fait que rebondir sur le titre de son spectacle, « Malik Benthala se la raconte ».