Le réalisateur Frank Henenlotter débarque dès le 07 septembre dans de superbes éditions Blu-ray...
Cinéaste (réalisateur, scénariste et monteur) amoureux de séries Z et autres bisseries, le new-yorkais Frank Henenlotter revenait, en 1990, sur le devant de la scène et dans les rayons de ces vidéo-clubs exprimés plus haut avec cette « Franken-Pute », après avoir marqué les esprits de milliers si ce n'est de centaines de milliers d'adolescents prétendument attardés qui auront loué des week-ends durant ses cultissimes (et le mot n'est pas galvaudé dans ce cas) « Frère de Sang » -en français, « Basket Case » en VO et pour les cinéphages et -philes- et « Elmer, le Remue-Méninges », entre autres.
Ne pouvant nier son amour et héritage du cinéma gore, se faisant l'un des plus doués si ce n'est surdoué héritier du Pape de ce genre, Herschell Gordon Lewis (« 2000 Maniacs », « Wizard of Gore », etc), à qui il dédiait son premier film, et maîtrisant de petits budgets, quitte à sembler superviser les effets pas si spéciaux de ses productions de bric et de brocs en ayant dévalisé les rayons de groceries, magasins de bricolage, farces et attrapes ou sex-shops (parce qu'il faudra avouer que dans celui-ci, Mister Henenlotter en fait exploser de la prostituées ou plutôt de la poupée gonflable ou quelque chose dans le genre), quitte à sombrer parfois dans le mauvais goût mais toujours maîtrisé, le quarantenaire (l'âge de Frank Henenlotter à l'époque de ce tournage) se fait aussi un peu plus mainstream (entendre « grand public ») ou presque, en ajoutant pas mal de ces célèbres plans nichons contemporains qui auront amusé et excité plus d'un adolescent au sortir des vidéo-clubs parmi quelques plans gore et sanglant (en un seul mot) dans ce film-là.
Cette 42ème Rue new-yorkaise (où des salles grindhouse affichaient, dans ces fuckin' eighties, films d'horreur et porno, alors que tox', dealers, putes, SDF, fugueurs, clients aux perversions inavoués et membres de gangs en arpentaient les trottoirs) oblige ?
Parce qu'il se sent responsable de la mort de sa bien-aimée fiancée, l'obèse Elizabeth (la playmate d'août 1986 et de l'année 88 Patty Mullen cachée sous des couches d'immondes fringues kitschissimes), tuée et démembrée par une tondeuse à gazons automatique de son invention, le jeune électricien mais surtout scientifique un peu fou Jeffrey (James Lorinz, acteur ayant déjà figuré au générique d'une autre cultissime comédie trash new-yorkaise, «Street Trash» de Jim Muro en 1987), qui en a gardé la tête pour unique souvenir dans un des congélateurs de son atelier-cave, trouve l'occasion, un an après, de lui rendre vie!
En ré-assemblant à sa guise des bouts de prostituées.
Ce ne serait sans compter sur les mémoires de ces bouts de chair mais surtout et aussi la ténacité de leur mac, Zorro (Joseph Gonzalez), qui veut récupérer sa propriété...
Cacher sous ces coutures et ces agrafes apparentes son aussi horrible filiation soit-elle avec le classique littéraire et de la littérature fantastique « Frankenstein ou le Prométhée Moderne » de Mary Shelley dont sa bande s'inspire (Jeffrey s'appelant Franken et Elizabeth, Shelley, pour exemples) lui étant quasi-impossible, « Frankie » offre à la jeunesse de l'époque, fondue aux clips arty et épileptiques des groupes de hard FM qui inondent MTV et ouvrant plus facilement les pages de « Playboy », « Penthouse » ou « Hustler » que leurs manuels scolaires, une réécriture plus punk et trash forcément que la résurrection des plus geek du même mythe à travers l'imprimante surréelle et généreuse de la « Créature de Rêve » de John Hugues en 1985.
Là où les fêlés des deux films s'amusent à coller les têtes des femmes de leurs rêves sur les photos de playmates aux mensurations dénudées et propices à de viles pensées, alors que Gary et Wyatt voient surgir après la décharge d'un éclair ayant déclenché l'explosion de leur salle de bains le string bleu et blanc de Lisa (Kelly LeBrock), Jeffrey, lui, doit ré-assembler, recoudre et agrafer les différents morceaux des restes de prostituées pour revoir les (nouvelles) formes d'Elizabeth.
« Le Cerveau qui ne voulait pas mourir », vieux film mêlant SF et épouvante de 1962 de Joseph Green, dans lequel un médecin tente de retrouver un nouveau corps pour sa fiancée décapitée accidentellement (maintenant sa tête en vie dans un bocal), étant aussi cité, à la fois, dans le pitch du film et ce clin d’œil cérébral ouvrant le film de Henenlotter
Celui-ci régurgitant également cette Grosse Pomme d'antan, aussi pourrie fut-elle par le ver de la drogue et la prostitution, avant le nettoyage au karcher du maire Rudolph Giuliani à partir de 1994 dans sa croisade « zero tolerance » contre la criminalité : les films de Henenlotter comme ceux de Muro, James Glickenhaus et autres réalisateurs locaux de bouts de ficelles d'alors se nourrissant de la réalité et des fantasmes de ces quartiers interlopes aux charmes dangereux et toxiques qu'étaient Harlem ou le Bronx, entre autres, crimes et criminels se faisant « boogeymen » touristiques parmi des légendes urbaines naissantes (d'alligators gigantesques grandissant dans les égouts à des femmes blanches enlevées dans des cabines d'essayages pour nourrir un marché de la prostitution moyen-oriental ou asiatique, en passant par des aiguilles de seringues séropositives plantées dans les sièges de cinémas, etc) quand de véritables prostituées, leurs clients et autres badauds en mal de perdition ou définitivement perdus sont devenus d'anonymes et gratuits figurants ou silhouettes de certains des titres de cette collection, pour exemple.
Aussi fantastique soit le sujet du film mais comme dans de nombreuses créations artistiques, indépendantes ou non, la vie, l'expérience personnelle -non pas que Frank Henenlotter ait joué au puzzle organique avec sa fiancée, mais parce qu'il a fait ses classes et ses armes, en usant plus les semelles de ses chaussures que ses fonds de culottes sur cette artère de sexe et de cinéma d'exploitation- coule dans les veines sanguinolentes de « Frankenhooker », par la fréquentation assidue des lieux du jeune aspirant réalisateur alors et dont il ne s'est jamais caché, ce cinéma transgressif et pas comme les autres dont Henenlotter a avalé des kilomètres de pellicules jusqu'à plus soif, forgeant le squelette scénaristique de son récit et de cette succession de gags assumés et chronométrés qui font également le charme presque désuet de cette comédie gore d'un autre temps : un cinéma alternatif d'heavy-metal fuckin' eighties... qui tout en complétant les débuts trash et underground de John Waters dépasse l'étalon-mètre d’alors du cinéma choc indie.
Plus de deux mois après la reconnaissance télévisuelle et culturelle du film par l'excellent chaine franco-allemande Arte lors d'une nocturne case trash sur le thème des réanimateurs de cadavres et autres émules postmodernes de Frankenstein, Carlotta a donc la très bonne idée de ressusciter encore une fois et à volonté à grands renforts de décharges éléctro-numériques en haute définition/HD, ce monstrueusement sexy (Melinda Clarke dans « Le Retour des Morts-Vivants 3 » étant l'une des seules morte-vivantes pouvant rivaliser en 1993 avec la violette Patty Mullen) hommage scabreux, gore et underground au cinéma et à la littérature fantastique, mais aussi à une New-York que la rénovation et la gentrification ont définitivement condamné à hanter les mémoires et vieilles bandes VHS des vidéo-clubs : « Warriors, les Guerriers de la Nuit », « Un Justicier dans la Ville » et tant d'autres de films de zones en formant les piliers fondateurs, avec « Maniac Cop » ou « The Exterminator » -ces deux derniers titres étant également proposés en première salve de cette collection par Carlotta.
Alors, si pour la rentrée, vous sentez que vous allez avoir à étudier -peut-être- en littérature le chef d'oeuvre de Mary Shelley, « Frankenstein », pourquoi ne pas en proposer cette re-lecture plutôt que le classique Universal de James Whale ?
Ou tout simplement faire l'un de ces retours vers le futur numérique et HD en retournant dans un de vos vidéo-clubs des eighties avec ce film... à un prix défiant toute concurrence !