Lorsqu'en 1932 Karl Freund -et son scénariste John L. Balderston (l'un des scénaristes du « Frankenstein » et de sa « Fiancée... » de James Whale)- s'inspiraient, à la demande de leur producteur Carl Laemmle Jr ., des légendes et mortelles malédictions nées autour de la découverte et de l'excavation en 1922 du tombeau de Toutânkhamon pour créer un nouveau personnage de monstre « universel » (et auquel la star Boris Karloff allait s'atteler) se doutait-il qu'à partir de 1940 un producteur de séries B commerciales (Ben Pivar) allait initier une suite à son film, qui donnerait elle-même naissance à une série de films aux budgets de plus en plus réduits, et pourrait nous faire parler encore aujourd'hui de véritable malédiction -au-delà de celui du titre ?
Et de vous inviter à lire mes avis sur les trois précédents films (également proposés par Elephant Films et critiqués ici) pour prendre connaissance de cette momie Kharis, l'ordre des Grands Prêtres d'Arkam et non plus Karnak et le pouvoir de ces feuilles de tana.
Devenus de mythiques monstres hantant des marais de Louisiane, la momie Kharis et sa princesse Ananka (ressuscitée à travers la dépouille de l'étudiante Égyptienne Amina Mansouri) effrayent les superstitieux ouvriers d'un projet de drainage de ceux-ci mais ne doivent en rien ralentir le projet pour lequel on le paye l'ingénieur civil Pat Walsh (Addison Richards).
Ainsi, lorsque débarquent du Musée Scripps les docteurs James Halsey (Dennis Moore) et Ilzor Zanbaad (Peter Coe) pour lui demander sa collaboration pour retrouver ces deux momies et que l'un de ses ouvriers disparu est retrouvé assassiné à proximité des travaux, peut-être devraient-ils se poser des questions...
Et revoir les épisodes précédents. Comme le scénariste Bernard Schubert.
Car ce court pitch permettra de comprendre à ceux qui auront vu les trois précédents épisodes (sans compter le film initiateur de 1932 : « La Momie » de Karl Freund) qu'après la sublime envolée dramatique et fantastique -aussi rétro soit le film (sorti cette même année 1944, mais tourné depuis 1943)- qui rattrapait les écarts comiques -involontaires- des deux premiers, ce film plutôt que de se prendre les pieds dans les tapis rouge d'Hollywood (série B oblige) a du se le prendre dans une des bandelettes de sa momie et dégringoler ces escaliers du temple égypto-californien de « L'Enfer Vert », film de 1940 de James Whale, exploité à plusieurs reprises auparavant (mais absents ici).
Alors que dans le précédent film (« Le Fantôme... » de Reginald Le Borg et le scénariste débutant Griffin Jay) Kharis disparaissait au fond d'un marécage de la ville universitaire de Mapleton en Nouvelle-Angleterre, ici, c'est en pleine Louisiane (avec ses habitants baragouinant quelques mots de français) que l'on retrouve un Grand Prêtre d'Arkam -dont il serait presque inutile de vous cacher l'identité (son éternel fez allant vous en gâcher la surprise) veillant avec son disciple celle-ci !
Même si dans le scénario de Bernard Schubert près de trente ans se sont écoulées (transposant l'action du film dans des années 1995-97 qui en 1944 n'ont rien de futuristes), on ne peut pas croire que quelques événements tectoniques ait ainsi déplacés des plaques ou à défaut des marais.
Le pourtant excellent scénariste de « La Marque du Vampire » de Tod Browning et « Jungle Woman » de Reginald Le Borg (suite de « Captive Wild Woman » avec cette Acquanetta qui devait incarner Ananka pour ce réalisateur) n'aurait-il été recruté que sur le pitch et résumé habituel du film signé de l'association de Leon Abrams et le débutant Dwight V. Babcock (le prolifique Oliver Drake, également co-producteur de ce film, et Ted Richmond dont ce sera la dernière idée avant de devenir producteur n'étant aucunement crédités dans la paternité de la chose), sans avoir eu connaissance des films précédents ?
Production Ben Pivar, « La Malédiction... » recycle donc jusqu'à plus soif ou plutôt qu'il n'y ait plus d'eau dans les marécages (et que l'on découvre qu'un corps pourrait bien y avoir reposé) ce que vous avez déjà vu dans les précédents films : un Grand Prêtre (qui n'est plus incarné par George Zucco -le bonhomme étant déjà mourant dans le précédent « Fantôme » et censé avoir été abattu dans « La Main... » ; cela aurait été surhumain qu'il soit encore là dans ces nineties fictives- mais par Peter Coe) résume l'histoire de Kharis et Ananka (à grands renforts de flash-back extraits des films précédents) à son disciple avant de lui expliquer qu'elle sera leur mission (se venger de ces mécréants qui auraient jeté Kharis et Ananka dans ces marécages, selon eux, et tué leurs prédécesseurs) et de réveiller à l'aide des feuilles de tana ce vindicatif golem égyptien bandeletté qu'est pour la dernière fois Lon Chaney Jr. (l'acteur finissant par détester ce rôle suite aux longues heures de maquillage).
Des scènes de tentes et de campement déjà vues dans « La Main... » de Christy Cabanne allant se disputer l'écran avec les hurlements de beautés féminines (Virginia Christine remplaçant Ramsey Ames dans cette réincarnation de la Princesse Ananka hurlant en sortie de ces crises de somnambulismes autant que la belle Kay Harding qui incarne la nièce Betty du patron à l'apparition de Kharis) déjà vus et entendus dans tous les films quand Kharis ne tue pas en étranglant de sa seule main valide -et très poussiéreuse, cette fois-ci- dirigée vers la caméra comme à son habitude tout ce qui bouge ou du moins se met entre lui et Ananka sortie des marécages... pour la ramener, avec soumission, à son maître. Sic !
Et ce retour à une soumission passive de notre momie adorée, après la grande surprise de son évolution scénaristique dans ce « Fantôme... » précédent, n'être qu'une triste régression de plus.
Alors qu'enfin cette mort qui marche depuis 3000 ans ou presque avait moyen de devenir intéressante et en devenait encore plus tragique et romantique -comme cet Imhotep précédent- six mois ou trente ans plus tôt (le film de Reginald Le Borg marquant tout de même deux belles surprises), on ne pourra que comprendre et regretter que son interprète, Lon Chaney Jr. (qui sera à ce moment là la nouvelle star Universal, digne héritier de son père et potentiel remplaçant des célèbres Boris Karloff et Bela Lugosi), n'ait plus supporté ces six heures obligatoires d'un lourd maquillage -aussi bon reste le travail depuis le début de Jack P. Pierce- préférant en abandonner le rôle et peut-être en minimiser encore plus son jeu... pour ne plus que se consacrer à cet autre monstre Universal qui lui a donné la célébrité : Lawrence Talbot, le loup-garou, traînant encore plus la patte dans ce film-là que dans les autres (et de provoquer des rires involontaires quand il s'en va kidnapper une Ananka réveillée dans le campement du Dr. Halsey).
Peut-être qu'avec une meilleure technique (même si celle de son époque s'avérera moins cancérigène que celle de son père), son jeu aurait été premièrement meilleur et qu'ensuite il aurait poursuivi et approfondi le jeu et la personnalité de ce personnage emblématique... que la britannique Hammer ressuscitera à son tour, sous les traits maquillés de Christopher Lee, en 1959 !
Heureusement, il restera, comme souvent, comme point positif et éventuelle raison de visionner ce dernier film de la série les magnifiques décors (marécage et forêt humide, nocturne ou non, comme ce monastère oublié en haut d'une colline des plus « frankensteinien », etc) du vieux et prolifique ouvrier Universal Russell A. Gausman et du débutant Victor A. Gangelin (qui, comme d'autres, après cette école « sans le sou » finira sur de grosses et reconnues productions : « West Side Story » et quelques John Ford) ou la très belle résurrection (ou réveil), synonyme de re-naissance, sous le soleil de Louisiane -bien qu'en noir et blanc- d'Ananka sortant avec difficulté de terre ou plutôt de la boue (John Carpenter s'en inspirera-t-il pour les premières apparitions de Thomas Ian Griffith/Valek et ses sbires vampires dans son film de 1998?).
Mais, hélas, ce scénario réchauffé (du moins jusqu'à la surprise d'un retournement de situation et d'une trahison encore plus grossière que dans le précédent opus signifiant que ces croyances en Amon-Ra ou Rê, selon vos préférences audio) que certains trouveront encore plus faible que les précédents aussi sympathique soit-il (une fois passées ces invraisemblances), il est vrai, pourra ne pas retenir l'attention de tout le monde.
Bien que devenue l'une de ses innombrables petites productions commerciales sans le sou développées par Universal pour engranger quelques bénéfices avec un minimum de risques et d'investissement (comme d'autres titres « serial » de cette collection Monster Club Universal, avec plus ou moins autant de défauts ou de réussites), cette « Malédiction... » de Leslie Goodwin, souffrant également du fait d'avoir été produit en toute connaissance de cause d'être le dernier de la franchise, va rester pourtant des plus ambitieuses et maîtrisées, dirons-nous : le réalisateur de 45 ans de nombreux autres films à petits budgets et obscurs (du western à la comédie en passant par le policier) avant de finir sa carrière à la télévision n'en restant pas moins professionnel et appliqué.
Les situations comiques du film étant toujours involontaires (la démarche de plus en plus négligée de Kharis, la même Kharis qui tente de rattraper Ananka puis Betty alors que celles-ci embarquent à bord de la voiture de l'universitaire Halsey ou cette persistance d'une Amérique ségrégationniste avec ces « Maître Walsh » crié avec tant d'accent alors qu'on est censé être à la veille du XXIème siècle, etc) malgré une bonne participation de son casting : le cow-boy Dennis Moore allant traîner sa dégaine athlétique face au traître le Yougoslave Peter Coe qui débutait après « La Maison de Frankenstein » de la même firme et son sbire, le Polonais Martin Kosleck (qui se spécialisera dans les rôles de nazis), pour les beaux yeux de Kay Harding dont ce sera l'un de ses très restreints rôles et la défense de la débutante Virginia Christine dans ce rôle de femme amnésique déchirée par ses deux personnalités.
Divertissement fantastique toujours aussi rétro malgré une situation temporelle censée se dérouler à l'aube d'un XXIème siècle qui n'est fantasmé en rien, « La Malédiction de la momie » n'en devient pourtant pas kitsch, puisque ancré dans ces années 40 de réalisation et production, et sera vraisemblablement à réserver aux passionnés de cinéma, de fantastique, de momies et d'Universal, que vous ayez ou non en proders les figures de ses monstres emblématiques de la même collection : Dracula, Frankenstein, le loup-garou, l'homme invisible et cette momie.