Des faits étranges se produisent un peu partout dans le monde : des avions qui avaient disparu durant la Seconde Guerre mondiale sont retrouvés au Mexique en parfait état de marche, un cargo est découvert échoué au beau milieu du désert de Gobi. Dans l'Indiana, pendant qu'une coupure d'électricité paralyse la banlieue, Roy Neary, un réparateur de câbles, voit une "soucoupe volante" passer au-dessus de sa voiture. D'autres personnes sont également témoins de ce type de phénomène : Barry Guiler, un petit garçon de quatre ans, est réveillé par le bruit de ses jouets qui se mettent en route. Cherchant à savoir d'où proviennent ces ovnis, Roy Neary se heurte aux rigoureuses consignes de silence imposées par le gouvernement fédéral. Obsédé par ce qu'il a vu et hanté par une image de montagne qu'il essaie désespérément de reconstituer, il est abandonné par sa femme Ronnie et ses enfants. Il n'y a que Jillian, la mère de Barry, qui le comprenne. Parallèlement à ces événements, une commission internationale conduite par le savant français Claude Lacombe s'efforce d'en percer le mystère. Une évidence s'impose bientôt à eux : une forme d'intelligence extraterrestre tente d'établir un contact avec les Terriens.
Est-ce que Steven Spielberg est un réalisateur en osmose avec les studios hollywoodiens ? Ou alors est-ce que Steven Spielberg est un réalisateur si talentueux, qu’il parvient, alors même que la science-fiction est en train de se réinventer à travers les œuvres de Stanley Kubrick ou de Georges Lucas, à la réinventer de manière significative et particulièrement fine ? Eh bien la réponse peut être : « Les deux mon capitaine ! » car effectivement au regard de cette édition 40e anniversaire, qui nous propose la version originale, puis la version édition spéciale et enfin la version Director’s cut, on s’aperçoit que Spielberg a signé avec « Rencontre du Troisième Type » une œuvre qui correspondait en bien des points à l’image qu’il voulait donner de son histoire. Là où le réalisateur fut particulièrement intelligent et inventif, c’est qu’il créa un film de science-fiction totalement ancré de manière évidente dans le quotidien de chacun qu’il soit américain ou non.
En effet jusqu’à « Rencontre du Troisième Type », les films de science-fiction se passaient majoritairement dans l’espace, dans lequel on voyait, soit des cosmonautes aux prises avec cet univers sans fin ou avec des mondes sans limite, soit on réinventait complètement une mythologie à l’image de ce qu’a pu faire Georges Lucas avec « La Guerre des Etoiles ». Mais alors que ces réalisateurs donnaient une nouvelle image de la science-fiction, en étant inventifs, créatifs, et en réussissant à créer des œuvres intemporelles, Spielberg, lui, décide de prendre le contre-pied et de faire venir la science-fiction dans notre quotidien, dans une petite ville des États-Unis, chez des gens totalement ordinaires, qui vont être confrontés à un événement totalement extraordinaire.
Bien sûr, on retrouve dans « Rencontre du Troisième Type », tous les thèmes chers à Steven Spielberg, à commencer par les familles dysfonctionnelles, la séparation, et surtout ce regard un peu enfantin et faussement naïf, du monde qui nous entoure. Les extraterrestres ici ne sont pas présentés comme des êtres mauvais à l’inverse de « La Guerre des Mondes », mais au contraire des êtres qui décident d’en apprendre un peu plus sur notre humanité et qui permettent aux personnages d’en apprendre encore un peu plus sur leur propre humanité. Mais au-delà d’un simple film de science-fiction, Spielberg apporte un regard qu’il affinera un peu plus tard avec « E.T. » dans lequel les scientifiques et le gouvernement essaye de garder secret une histoire que tout le monde voudrait pouvoir toucher du bout du doigt. Cela met, bien évidemment, en lumière la réflexion sur tous les fantasmes des amateurs de science-fiction et autres adeptes de la théorie du complot, qui estiment que les extraterrestres sont déjà venus sur terre mais que le gouvernement a volontairement tout conservé dans la fameuse zone 51.
Évidemment dans sa distribution Steven Spielberg trouve en Richard Dreyfus (Always) un acteur à la hauteur de son style, avec ses conversations totalement désorganisées, et dont la meilleure illustration se retrouve dans l’intérieur de de ce personnage principal, destructuré à mesure que le film avance, qui ressemble à un gros bazar organisé, exactement comme la manière de filmer les différentes conversations que l’on retrouve dans ce film. D’ailleurs c’est un autre point commun à bien des films de Steven Spielberg, notamment sur cette période-là, dans laquelle on voit souvent des conversations multiples désorganisées comme une pièce de Ionesco, à l’image de la scène où les scientifiques essayent de comprendre ce qui se passe, alors que François Truffaut essaye de se faire entendre et qu’il est obligé de se mettre à crier. C’est l’autre grande surprise de la distribution de « Rencontre du Troisième Type » que de retrouver François Truffaut (Les 400 Coups), grands réalisateurs français, qui vient ici jouer un savant particulièrement dynamique, et qui amène sa petite touche française tout en dégageant une certaine gentillesse qui vient contraster avec les projets du gouvernement autour de cet événement inexpliqué.
En visionnant la version originale puis la version spéciale et enfin la version Director’s cut, on se rend compte très rapidement que Steven Spielberg n’a finalement pas modifié grand-chose de la version originale dans ses deux versions suivantes. Notamment on peut voir qu’il a supprimé quelques petites scènes qui pouvaient paraître inutiles et ne viennent pas modifier le rythme de la narration, il en a raccourci certaines et rallonger encore d’autres, mais, à la différence de certains réalisateurs qui dénoncent leurs œuvres originales ou les remodifient en permanence, Spielberg vient prouver ici que le travail qu’il a effectué sur son film, en collaboration avec le studio, correspond parfaitement à l’idée qu’il pouvait avoir à l’origine du projet.