Pour compter le récit de cette vie hors norme qui couvre près d’un siècle d’histoire des États-Unis, Samantha Fuller a fait appel à 15 artistes ayant côtoyé de près ou de loin son père : des réalisateurs William Friedkin et Joe Dante aux acteurs James Franco, Tim Roth et Constance Towers, chacun a accepté de prêter sa voix à celle du cinéaste. Illustré par de nombreux extraits de ses œuvres et de ses archives personnelles, « A Fuller Life » présente également des films 16 mm inédits tournés par Samuel Fuller durant la seconde guerre mondiale, à la valeur documentaire inestimable. Hymne féroce à l’indépendance et la liberté, « A Fuller Life » est un hommage vibrant à l’homme, au père et à l’artiste qui se cache derrière le grand Samuel Fuller.
Samuel Fuller, fait partie de ces réalisateurs vénérés dans le cercle fermé des cinéphiles, mais trop souvent oubliés par le grand public. Pourtant nombre de ses œuvres ont eu des succès retentissants mais ont également créé des polémiques au sein même de la société américaine, alors en proie à ses propres démons et à sa chasse aux sorcières tout autant inexplicable qu’injuste. « J’ai tué Jesse James », « Au-delà de la gloire », l’un des films de guerre les plus respectés au monde parce qu’il parvient à donner une véritable image et un véritable sentiment de ceux que les soldats ont pu vivre durant ce conflit, « Le port de la drogue », film noir qui fit rentrer le réalisateur au Panthéon des grands d’Hollywood, et « Shock Corridor » film sulfureux pour l’époque tant il était gorgé de violence et d’émotion.
Mais alors que d’autres réalisateurs plus connus et plus emblématiques de la sacro-sainte sphère Hollywoodienne ont vécu une vie tout ce qu’il y a de plus classique, Samuel Fuller est au contraire un homme multitâche, qui, avant de se lancer dans le cinéma, a pu aiguiser autant sa plume, que son esprit en étant, dès son plus jeune âge, journaliste d’investigation, pigiste mais également soldat durant la seconde guerre mondiale et plus précisément l’un de ceux qui furent accrédités pour tourner les premières images de la découverte des camps de concentration. Toutes ces expériences autant que ses voyages au cœur des États-Unis ont forgé une écriture et un regard particulièrement ciselé sur les États-Unis comme sur le monde. A la manière d’un Steinbeck, chacune de ses œuvres était imprégnée de ses rencontres, des ses voyages et de sa personnalité qui s’en est forgée. On le retrouve dans bon nombre de situations, de répliques ou de plans.
Il n’est donc pas vraiment surprenant que des réalisateurs aussi renommés que William Friedkin (L’exorciste) et Joe Dante (Gremlins) mais également des acteurs de nouvelle génération comme James Franco (127 Heures) et Tim Roth (La Planète des Singes) ont accepté de prêter leurs voix pour lire des passages de l’autobiographie du réalisateur, qui donne un regard nouveau sur sa personnalité et sur son vécu. Et si l’exercice n’est pas particulièrement remarquable, ce sont les extraits de films comme les morceaux de film tournés en 16 mm par le réalisateur durant la seconde guerre mondiale qui viennent donner toute la nuance et toute la force à ce documentaire sur Samuel Fuller. Car au-delà d’une simple biographie linéaire et sans âme, sa fille parvient à brosser un portrait remarquable et tout en profondeur de son père, qui fut non seulement un réalisateur hors norme, mais également un homme remarquable qui a su, même dans une Amérique profondément ancrée dans la ségrégation, donner leurs places à toutes ces minorités, et aller à contre-courant de la bien pensée américaine de l’époque.
Car effectivement, c’est ce qui ressort de ce documentaire « A Fuller Life », Samuel Fuller n’était pas simplement un réalisateur à succès, il était avant tout un homme aux valeurs et aux idées profondément humanistes, qu’une vie particulièrement remplie entre journaliste d’investigation à l’adolescence, pigiste parcourant la route des États-Unis afin d’y rencontrer ses contemporains et de découvrir une nouvelle image de cette terre de liberté, à commencer par la plus immonde des facettes : Le Ku Klux Klan, finit tout logiquement par devenir un scénariste et réalisateur provocateur à Hollywood, notamment en dénonçant de manière subtile mais visible, toutes les horreurs qu’il a pu voir dans sa vie, dans son pays et dans le monde.