Erwan, inébranlable démineur breton, perd soudain pied lorsqu’il apprend que son père n’est pas son père. Malgré toute la tendresse qu’il éprouve pour l’homme qui l’a élevé, Erwan enquête discrètement et retrouve son géniteur : Joseph, un vieil homme des plus attachants, pour qui il se prend d’affection. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, Erwan croise en chemin l’insaisissable Anna, qu’il entreprend de séduire. Mais un jour qu’il rend visite à Joseph, Erwan réalise qu’Anna n’est rien de moins que sa demi-sœur. Une bombe d’autant plus difficile à désamorcer que son père d'adoption soupçonne désormais Erwan de lui cacher quelque chose…
Connaître ses parents pour mieux se connaître soi-même, c’est, en sous-main, le discours que peut tenir le nouveau film de Carine Tardieu : « Otez-moi d’un doute ». Le scénario du film lui a été inspiré par un ami qui a vécu une histoire assez proche : un homme d’une cinquantaine d’années qui apprend, à la mort de sa mère, que son père n’est pas son père biologique. Partie de cette idée, la réalisatrice s’est attelée avec ses deux coscénaristes Raphaële Moussafir (Du vent dans mes mollets) et Michel Leclerc (La vie très privée de Mr Sim), avec qui elle avait déjà travaillé sur ses deux premiers longs métrages, à l’écriture d’un scénario qui s’interrogerait justement sur cette recherche d’identité qui semble nécessaire à tout être humain.
Et pour mieux renforcer son propos, la réalisatrice et ses scénaristes utilisent la métaphore de la bombe en faisant de leurs héros un démineur, pour mieux illustrer l’effet que peut avoir sur chaque personne un tel événement. Toujours sur le fil du rasoir le scénario et les dialogues oscillent entre comédie et tragédie. Ils distillent des situations comiques et offrent des respirations naturelles, c’est ce que nous vend la production, autour de ce film, mais la réalité va beaucoup plus loin, car effectivement si le film est toujours à la frontière entre la comédie et la tragédie, le scénario parvient surtout à entraîner le spectateur dans une histoire qui aurait pu être lourde et pesante, mais qui se révèle au contraire à la fois légère, tendre et jamais caricatural. Les personnages sont dessinés avec beaucoup de finesse et d’intelligence. Et même si parfois certains relèvent du burlesque, comme le personnage de Didier, il est surtout là pour mieux appuyer la normalité des uns et des autres qui permet donc de mieux ancrer cette histoire de recherche de paternité dans une peinture sobre et légère.
D’ailleurs, la mise en scène de Carine Tardieu va en ce sens et ne cherche jamais à compliquer ni les sentiments ni les situations mais, au contraire, à donner à l’ensemble un aspect plus proche des comédies romantiques et sentimentales comme on peut très bien les voir en Angleterre et parfois, à la faveur d’une bonne étoile, aux États-Unis. D’ailleurs, la caméra se fait parfois discrète et laisse quelques moments de flottement pour que le spectateur puisse mieux, à la fois s’identifier aux personnages et en même temps s’interroger sur ses propres convictions et ses propres ambitions. Le personnage d’Erwan occupe la fonction de démineur en Bretagne, et de métier va plus loin qu’un travail il s’avère être une règle de vie puisqu’au lieu de se lamenter, plutôt que de foncer tête baissée dans une aventure dont il ne maîtrise aucun des éléments, il va au contraire chercher à s’assurer que cette bombe sentimentale n’explose pas, mais au contraire il va déminer la situation de manière à ce que les choses se révèlent en douceur.
Et personne de mieux que François Damiens (Les Cow-boys) et Cécile de France (L’Auberge Espagnole) pour interpréter cette rencontre sur fond de Bretagne et de sentiments mis à mal. Les deux acteurs forment un couple d’une simplicité rare, et leurs compositions sont comme à chaque fois précises et intuitives où rien ne semble être laissé au hasard.
En conclusion « Otez-moi d’un doute » de Carine Tardieu est une comédie sentimentale parfaitement réussie qui s’interroge sur la recherche d’ascendance, tout en distillant un discours juste et intelligent : « Il faut connaître ses parents pour mieux se connaître soi-même ». Une comédie à voir pour l’intelligence de son scénario, la précision de sa mise en scène et l’interprétation impeccable de François Damiens et Cécile de France.