Dans leur appartement de Baker Street, Holmes et Watson voient arriver une jeune veuve sauvée des eaux de la Tamise. Se nommant Gabrielle Valladon, cette dernière semble amnésique mais va vite retrouver la mémoire. Le fin limier et son équipier vont être entrainés dans une enquête hors du commun, où ils croiseront Mycroft Holmes, le frère de Sherlock, la reine Victoria et le monstre du Loch Ness.
Avec des chefs d’œuvres jalonnant sa carrière tels que « Certains l’aiment chaud » (1959), « Sept ans de Réflexion » (1955), ou encore « La Garçonnière » (1960) et « Boulevard du crépuscule » (1950), Billy Wilder est sans aucun doute l’un des réalisateurs les plus emblématiques de l’âge d’or d’Hollywood. Le réalisateur d’origine polonaise, exilé aux Etats-Unis suite à l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler et tissera une carrière particulièrement remarquée et remarquable, notamment par une écriture particulièrement fine qui lui donna une réputation de metteur en scène moraliste et caricaturiste. Et il est vrai qu’en regardant la filmographie du Monsieur on se rend compte très rapidement que ses comédies sont souvent à plusieurs niveaux de lecture et que certains sujets abordés le sont avec suffisamment d’intelligence pour pouvoir passer presque inaperçu et ainsi passer les barrières de la censure particulièrement active à l’époque.
Du coup lorsque le réalisateur s’intéresse au personnage, à la fois mythique et terriblement sulfureux de « Sherlock Holmes », on est quasiment assuré de ne pas avoir une œuvre linéaire qui se contenterait d’alimenter le mythe. Et nous ne sommes pas déçu, car Billy Wilder assisté de son compère de toujours I.A.L. Diamond (Certains l’aiment chaud), va s’intéresser au personnage par le prisme de ce qui le rendait surprenant, et beaucoup moins lisse que le cinéma n’avait voulut le montrer. Ainsi, Sherlock apparait dans toutes ses failles, celles d’habiter avec un homme, d’avoir autant peur des femmes que de le rejeter de manière compulsive, accro à la cocaïne, le détective apparaît également suffisant, presque cassant avec ses interlocuteurs. Désagréable avec les siens, nombriliste et prétentieux, Sherlock Holmes n’en demeure pas moins un détective doté d’un sens de l’observation et de la déduction supérieur au commun des mortels et l’enquête dont il va s’emparer va lui permettre, une nouvelle fois, de se flatter d’être le meilleur et de martyriser un peu plus son acolyte de toujours : Le Dr Watson.
Billy Wilder, signe avec « La vie privée de Sherlock Holmes » une œuvre majeure qui vient remettre le personnage aux panthéons des êtres exceptionnels par leurs talents mais également par leurs fêlures qui les rendent, au final, plus humains et moins béatifiés. Avec un sens évident de la mise en scène et de la comédie policière, Billy Wilder n’en oublie pas pour autant les règles de l’Entertainment d’Hollywood qui l’ont fait connaitre aux yeux du monde et plonge le spectateur dans une aventure à la fois sombre par sa base mais colorée par certains aspects plus légers qui font de ce film une exception dans toutes les adaptations du héros né de l’imagination de Sir Arthur Conan Doyle. D’ailleurs il est intéressant de noter que le réalisateur a choisit un casting majoritairement européens, à commencer par les acteurs principaux : Robert Stephens (le Bucher des Vanités) qui interprète un Sherlock plus vrai que nature avec une prestance très « British », Colin Blakely (A La recherche de la Panthère rose) se glisse dans la peau de Watson avec une légèreté et une profondeur qui colle à merveille au personnages et puis bien évidemment Christopher Lee (Le seigneur des Anneaux : Les deux Tours) qui a la particularité de jouer Mycroft, le frère de Sherlock Holmes, tout en ayant joué précédemment le détective.
En conclusion, « La vie Privée de Sherlock Holmes » est œuvre majeure de Billy Wilder qui fut amputé d’une bonne heure, puisque le film, lors des projections pour le studio durait trois heures. A ce jour la plupart des chutes furent perdues et cette version semble la plus complète, mais différentes scènes furent retrouvées soient en enregistrement audio uniquement ou encore sur des bribes de scénario, que l’on pourra retrouver en bonus. Le film traite du détective en tant qu’humain et non comme un mythe, ce qui le rend à la fois original et particulièrement réussit. Echec commercial et critique à sa sortie en 1970, il a acquit ses lettres de noblesses par la force de l’histoire et par la reconnaissance de ses qualités narratives.