Après une scène de ménage Jasmin atterrit au Bagdad Café, motel minable entre Disneyland et Las Vegas. La patronne, Brenda, Noire tapageuse et insatisfaite, règne sur tout un petit monde de routiers et de personnages énigmatiques. Peu à peu, Jasmin se fait apprécier de tous et remet même le café à flot grâce à "Magic", une boite de magie avec laquelle elle monte des tours, assistée de Brenda. Entre les deux femmes va naître une solide amitié.
Il y a des films comme ça qui passe le grand portail des films cultes mais par un chemin détourné. Dans les années 80, ils furent quelques-uns, mais celui qui obtenu le césar du film étranger en 1988, et qui fit fredonner un seul air, mais quel air par des millions de spectateurs attendris et hypnotisés, ce fut bien « Bagdad café ». Ce film décalé, à la mise en scène soignée et inventive, qui bénéficie d’une couleur si particulière, utilisant le vide pour mieux imprégner le spectateur, embarqua les spectateurs dans une sorte de voyage hypnotique ou rien ne se passe vraiment, sinon de pauvres âmes égarées qui se retrouvent au milieu de nulle part, sans personnes à qui se confier, chacun se laissant épier pour mieux se faire apprécier.
Avec une mise en scène qui se veut évidemment d’une très grande précision avec des plans tout en douceur comme lors des premiers plans autour de ce « Bagdad Café » ou alors en mouvement serré comme lors de la dispute entre Jasmin Mungstettner et son mari, la caméra posée sur l’arrière de la voiture rend la scène encore plus oppressante sans pour autant utiliser d’effets visuels sensationnels, difficiles pour l’époque. Doté d’un petit budget, le film ne ressemble à aucun autre et chaque plan est étudié avec une précision d’orfèvre pour montrer chaque étape de la narration et la mise en scène cherche avant tout à communiquer avec le spectateur tout en renouvelant les effets. Et puis il y a cette couleur si imprégnante qu’il est difficile de dissocier la mise en scène de Percy Adlon, du travail de Bernd Heinl (Le Petit vampire). Ce dernier à la fabuleuse idée d’utiliser un voile jaune pour donner cette coloration si particulière au film, qui deviendra même une source de mise en scène suggestive autour du personnage de Jasmin, qui sera toujours accompagnée de cette couleur, comme un halo de lumière qui cherche à la rendre un peu christique à chaque fois qu’un regard amical ou intrigué se pose sur elle.
Et puis il y a la distribution, à commencer par les deux comédiennes principales : Marianne Sägebrecht (Le Cercle) et CCH Pounder (Urgences). La première impose un lyrisme retenu, laisse sa présence parler et le corps s’exprimer avec une douceur qui vient en contraste direct avec sa partenaire CCH Pounder tout en colère en exubérance et en émotion extravertie. Avec des sentiments bousculés du début à la fin les deux comédiennes forment un duo destiné à s’apprivoiser durant les presque deux heures de film, pour finalement arriver sur une amitié solide et un film qui prend subitement une direction résolument différente de la première. Plus exubérante, plus colorée que sa première partie, la fin du film donne aux comédiennes l’occasion d’apparaitre différemment. Et en face d’elles, il y a Jack Palance (La légion des Damnés) dans l’un de ses plus beaux rôles. L’acteur assume un âge qui l’a vu traverser le paysage du cinéma américain. Se pose en vieil homme tombant à la fois en amour et en extase envers cette femme qui sort tellement des critères de cette société qui n’hésite pas à repousser ceux qui sont différents.
En conclusion, nous l’aurons très rapidement compris, « Bagdad Café » est une œuvre aussi bouleversante que magnifique. Le réalisateur nous plonge avec une précision d’orfèvre dans une histoire d’amitié, de sentiments brisés, de solitude et de douceur pour finir une note d’espoir et de sourire qui a su toucher des millions de spectateur à travers le monde. Et puis il y a la chanson « Calling You » qui reste tellement en tête ! A voir absolument.