Paris, été 1979. Anne est productrice de pornos gays au rabais. Lorsque Loïs, sa monteuse et compagne, la quitte, elle tente de la reconquérir en tournant un film plus ambitieux avec son complice de toujours, le flamboyant Archibald. Mais un de leurs acteurs est retrouvé sauvagement assassiné et Anne est entraînée dans une enquête étrange qui va bouleverser sa vie.
Il y a des films comme cela qui passent et nous surprennent par une tonalité bien différente de ce à quoi nous pouvions nous attendre. Des sortes d’Ovni cinématographiques qui ne laissent pas indifférent et qui suscitent la réflexion. Un brin, expérimentaux, mais surtout à contrecourant de tout ce qui se fait dans la production populaire, ces films ne sont pas forcément ouverts à tous les publics mais ont le mérite de capter pour ne pas dire de captiver le spectateur qui ce sera aventuré dans ses méandres. Avec « Un couteau dans le cœur » de Yann Gonzales fait partie de ces œuvres difficiles à classer et à l’esthétique remarquablement travaillée.
Car ce sont bien là toutes les qualités de ce film que de puiser dans une évidente culture cinématographique proche de la nouvelle vague et de tous ces mouvements qui ont pu expérimenter une nouvelle façon de faire des films de raconter des histoires, à l’instar d’un Lars Von Trier ou d’un Tomas Vinterberg, ou dans le terrain des grands maîtres : Godard ou Rohmer. Une vision cinématographique où l’intrigue se mélange à l’intériorité de l’héroïne. Et c’est bien de cela qu’il s’agit puisque le scénario signé du réalisateur et de son coéquipier Cristiano Mangione (Les Rencontres d’après Minuit) est justement de créer une intrigue tournant autour d’un mystérieux tueur en série dont les crimes refléteraient en fait la destruction intérieure dont est victime le personnage principal. Et l’intrigue de nous entraîner alors dans une sorte de transe dans laquelle le fantasme se mélange à la réalité, où la psyché se reflète dans des images d’une sensualité morbide.
Car la réalisation de Yann Gonzalez s’offre le luxe de mélanger les genres et de multiplier les pistes inexorablement. Avec un film dans le film, le réalisateur brise les codes et plonge les spectateurs dans une trame obscure qui voit une héroïne se perdre dans une relation qu’elle ne semble plus contrôler et voir sa vie se briser en mille morceaux au fil des crimes d’un tueur que l’on ne devine pas. N’hésitant pas à utiliser des images chocs pour mieux appuyer son propos, tout en gardant une certaine pudeur dans la réalisation, Yann Gonzalez se lance dans une construction surprenante mais remarquable d’une œuvre à la fois conceptuelle et pourtant si inspirée des grands maîtres du cinéma Post Nouvelle Vague.
Et pour incarner ses personnages le réalisateur a su s’entourer d’une distribution de choix, à commencer par Vanessa Paradis (Noces Blanches) qui trouve là un rôle à la hauteur de son talent et notamment un rôle à contre-emploi qui l’oblige à sortir du chemin plus ou moins balisé dans lequel elle évoluait. Une zone de confort dont elle sort avec aisance. La comédienne se fait violence, et cela marche qu’elle elle nous embarque dans l’esprit de cette femme qui va voir son univers exploser au fil de cette relation compliquée avec sa compagne qui ne supporte plus cette violence latente qui couve en elle. Autre comédien remarquable de ce film, Nicolas Maury que l’on retrouvera dans la troisième saison de « Dix Pour Cent » d’ici quelques semaines, qui vient donner la contrebalance de Vanessa paradis avec une composition toute en minéralité, avec la brillance du diamant. L’acteur apporte une douceur, une fausse naïveté à son personnage pour mieux adoucir une mise en scène qui peut se vouloir dérangeante.