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Cuba, Michael, marin irlandais en quête d'un emploi, sauve d'une agression une jeune femme, Elsa. Le mari d'Elsa, avocat célèbre, offre à Michael d'embarquer sur son yacht pour une croisière vers San Francisco. Elsa et Michael tombent amoureux et Grisby, l'associé de Bannister, s’aperçoit de cet amour. Il veut disparaître et propose à Michael 5000 dollars pour signer un papier dans lequel il confesse l'avoir tué.
Orson Welles est un réalisateur hors du commun, d’abord parce que son histoire en elle-même est incroyable que ce soit à la radio : En jouant « La Guerre des Mondes » en feuilleton radiophonique il a terrorisé la population américaine, persuadée qu’une véritable invasion extraterrestre était en cours, mais aussi cinématographique son premier film « Citizen Kane » est considéré comme le plus grand film de tous les temps. L’homme, pourtant, entretint des rapports compliqués avec les décideurs des studios, ce qui fit que quasiment aucune de ses œuvres ne fut réellement présentée comme lui le voulait, les producteurs faisant un montage plus en phase avec les envies du public ou encore expédièrent certains films comme un vulgaire paquet de lessive. Du coup, le succès ne fut pas immédiat pour beaucoup de ses films.
Avec « La Dame de Shanghai », le réalisateur ne va pas déroger à la règle, une tension permanente avec son producteur qui ne supportait pas les choix opérés par Welles, au point de declarer ensuite : qu'il « ne laisserait plus jamais une même personne produire, jouer et réaliser un film car il ne pourrait dès lors pas le renvoyer ». Ambiance ! Il faut dire que le réalisateur qui venait de divorcer de Rita Hayworth (Gilda), elle-même sous contrat avec la Columbia, lui fit tenir le rôle féminin, mais décida de casser le mythe en lui faisant couper les cheveux et en la teignant en blonde platine. Décision qui rendit fou le producteur car l’actrice, d’après le studio qui l’engageait tenait sa carrière dans sa chevelure longue et rousse. Criblé de Dettes à cause de bon nombre d’échecs successifs, « La dame de Shanghaï » ne changera d’ailleurs pas la donne, semble avoir accepté comme obligation l’adaptation de ce roman de Sherwood King, dont le titre original est « If I should die before I wake ». une obligation qui lui permit de régler toutes ses dettes.
Il n’en demeure pas moins que même sans passion, le réalisateur signe avec « La Dame de Shanghaï », une œuvre, à nouveau visionnaire, dans laquelle, Welles innove, impose un style, déstructure sa narration pour mieux entraîner le spectateur, non pas dans un film noir classique mais dans une œuvre beaucoup plus complexe et intuitive qu’il n’y parait. S’il est vrai que Harry Cohn, le producteur du film qui imposa le montage et différentes scènes, notamment une de chant pour Rita Hayworth (Une manière d’entretenir le mythe de l’actrice), et n’eut pas forcément conscience de l’intérêt du film et le saborda d’une certaine manière avant même sa sortie, Orson Welles prouve à nouveau avec sa réalisation tout le génie mais également toute cette paradoxale impossibilité à se faire comprendre par les autres, tant il fut mésestimé durant une grande partie de sa carrière. Car, à l’époque, il semble que personne ne fut renversé par cette incroyable scène des miroirs en point culminant de cette œuvre majeure du réalisateur.
En conclusion, « La Dame de Shanghaï » est œuvre majeure d’orson Welles d’abord parce qu’elle est devenue le symbole de la lutte intestine entre le réalisateur et Hollywood, mais surtout parce qu’il construit une œuvre puissante et captivante qui, comme on s’y attendait, vient nous surprendre par un ton sombre et pourtant glamour avec une narration déstructurée où les personnages gagnent en profondeur et noirceur. Alors que le montage fut perturbé par le producteur, le génie de Welles y apparaît de toute les manières, que ce soit dans le choix de modifier l’apparence de son actrice principale pour la rendre moins glamour mais plus magnifique, ou de mettre en scène une scène finale avec l’utilisation de miroirs. Une œuvre majeure à découvrir d’urgence.