Deux policiers sont suspendus pour usage abusif de la force après une arrestation musclée. A court d’argent, ces deux représentants de l’ordre basculent de l’autre côté de la loi pour s’arroger une compensation. Ils prennent en filature de dangereux braqueurs de banque afin de s’emparer de leur futur butin.
Est-ce trop précipité de dire que S. Craig Zahler, pourrait être le nouveau Quentin Tarantino ? Et même si ce genre de question, a le don de me mettre hors de moi (Pourquoi toujours vouloir chercher le nouveau machin ou la nouvelle machine ?), il apparaît tout de même évident, que ce réalisateur, fort d’une filmographie naissante composée de trois films, inédits sur nos grands écrans et pourtant au potentiel et à la mise en scène précise et fulgurante, explorant les genres, comme le fait si bien Tarantino, sait parfaitement digérer les genre et se les approprier. D’où la question de départ. Mais la question qui se pose forcément ensuite, concerne le choix de sortir directement en vidéo, les films de ce réalisateur hors du commun : « Bone Tomahawk », western violent et sanguinolent, incroyable d’inventivité scénaristique et visuelle et « Section 99 », thriller implacable où tout finit par déraper. Avec « Trainé sur le bitume », le réalisateur, nous amène à suivre deux policiers, mis sur la touche et qui vont avoir, certainement la plus mauvaise idée de leur existence.
Le réalisateur, qui fut d’abord scénariste, mais se révèle également comme étant un auteur de best Sellers : « Les Spectres de la Terre Brisée », signe un troisième film puissant et captivant, malgré une durée étonnamment longue pour ce type de long métrage : 2h39. Et pourtant, Zahler prend son temps, impose des personnages, tout en nuances, en zones d’ombres qu’elles soient émotives ou négatives. Il prend le temps d’installer son intrigue, le spectateur se laisse alors porter par une œuvre complexe, qui se déroule lentement au début, mais sans jamais être lassante, bien au contraire. On se retrouve pris dans un puzzle où chaque pièce va se poser, et imposer une zone d’ombre au mystère de ce que sera la fin, des retournements de situations qui pulluleront durant les plus de 2h30 de film. Et si le scénario est incroyablement bien ficelé, la mise en scène, n’en n’est pas moins précise et la comparaison avec Tarantino n’est pas anodine, car les dialogues ont une importance capitale dans l’histoire. Chaque phrase est dosée, chaque réplique à son sens et participe à donner son ambiance à ce policier d’un autre genre.
Et comme chez QT, le casting a son importance ! Ici le duo Mel Gibson (Mad Max) et Vince Vaughn (Tu ne tueras point) fonctionne à la perfection et l’humour noir et discret ne vient jamais déstabiliser ni le rythme et encore moins la tension de l’intrigue. Mais bien sûr, pour que les personnages fonctionnent, il faut des seconds rôles, mêmes furtifs qui soient suffisamment charismatiques pour venir s’opposer aux prestations monolithiques pour Gibson et toute en retenue et en maîtrise pour Vaughn. Sur leur chemin les acteurs vont croiser
Don Johnson (Django Unchained) ou
Jennifer Carpenter (Dexter) ou encore et surtout
Tory Kittles (True Detective), troisième personnage majeur du film. Et tous ces personnages vont se croiser, semer le trouble dans l’esprit du spectateur qui ne sera plus où donner de la tête jusqu’au final où la tension atteindra son paroxysme et se laissera aller à de nombreux retournements de situations.
En conclusion, injustement privé d’une sortie en salle, « Trainé sur le bitume » (Traduction littérale du titre original) de S. Craig Zahler est un thriller mené de main de maitre, où la tension ne cesse que lorsque le générique de fin commence. Avec un scénario ciselé à la perfection, avec des dialogues parfaitement dosés, le film garde un rythme et tisse une intrigue complexe qui se découvre doucement mais surement. Primé au dernier festival de Beaune, « Trainé sur le bitume », est à découvrir d’urgence.