Henri est en pleine crise de la cinquantaine. Les responsables de ses échecs, de son manque de libido et de son mal de dos ? Sa femme et ses quatre enfants, évidemment ! A l’heure où il fait le bilan critique de sa vie, de toutes les femmes qu’il n’aura plus, des voitures qu’il ne conduira pas, un énorme chien mal élevé et obsédé, décide de s’installer dans la maison, pour son plus grand bonheur mais au grand dam du reste de la famille et surtout de Cécile, sa femme dont l’amour indéfectible commence à se fissurer.
« Mon Chien Stupide » est un projet qui a longuement mûrit. D’abord sous la direction de Claude Berry, dans les années 90- 2000, qui imaginait Peter Falk dans le rôle principal, le producteur et réalisateur avait alors passé le relais à Yvan Attal qui ne s’était pas montré très intéressé. C’est seulement près de vingt ans après que l’acteur réalisateur s’est penché avec un peu plus d’intérêt sur une adaptation de ce roman de Joe Fante, paru en 1985, et dont l’aspect subversif et anticonformiste pouvait en rebuter plus d’un. Yvan Attal qui, depuis un certain nombre d’années, s’est amusé à explorer les dessous des liens familiaux avec ces films précédents : « Ma Femme est une actrice » et « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants », a finalement trouvé dans ce roman, matière à aller un peu plus loin dans les clés de ces liens familiaux complexes et perturbés par l’âge et la résignation de son personnage principal.
Et c’est un film d’une grande subtilité que nous offre, une fois de plus, le réalisateur. D’abord parce qu’il parvient à faire un parallèle intéressant entre la carrière de son personnage, ses frustrations, son égocentrisme évident et envahissant, et les vagues d’énergie successives qui bousculent son quotidien. Incapable de la moindre introspection, le héros va reporter ses fautes sur sa femme et surtout sur ses enfants, qu’il rend responsable de son manque d’inspiration. Et c’est ce chien qui va agir comme un catalyseur de ses névroses quotidienne, un animal qui va disloquer son environnement pour qu’il puisse mieux le reconstruire ou, tout du moins, se reconstruire. Auteur du scénario avec ses deux co-auteurs : Dean Graig et Yael Langman (Le Brio), Yvan Attal plonge avec une véritable intelligence dans les méandres psychologique de ses personnages, et s’offre le luxe de dépoussiérer le roman de Joe Fante tout en éludant les aspects les plus subversifs.
Pour mieux appuyer son propos, le réalisateur signe une mise en scène très proche de ses personnages, comme une sorte de grandes vagues sentimentalistes qui va submerger tour à tour les protagonistes de ce théâtre de marionnettes familial où chacun tente d’exister en gravitant autour de ce père ou mari envahissant et enfermé dans ses frustrations, dans ses désillusions et surtout dans son égocentrisme exacerbé qui l’empêche de voir ce qui se trame autour de lui. Jamais dans l’excès de plans ou de caméras, le réalisateur impose un style épuré et pourtant complexe qui nous plonge dans un décor qui fait constamment référence au livre de Joe Fante, mais parvient à l’ancrer dans notre temps présent pour mieux nous permettre de nous identifier à l’un ou l’autre des personnages. Être même si certains peuvent lui reprocher de ne pas être suffisamment transgressif, comme l’est le roman de l’auteur américain force est de constater qu’Yvan Attal en a totalement assimilé le message pour pouvoir lui donner une couleur différente.
Côté distribution, le réalisateur s’offre évidemment le rôle principal pour mieux étayer son propos et son questionnement sur ce passage de la vie de famille à celle de l’adulte au moment de son bilan existentiel. Il fait graviter autour de lui d’abord son épouse depuis vingt ans :
Charlotte Gainsbourg (Prête-moi ta main), qui se livre à une interprétation toute en fraîcheur et en subtilité qui donne à son personnage de femme dépressive et alcoolique encore plus de prestance et de profondeur. Autour d’eux,
Ben Attal, le fils du couple, qui n’en n’est qu’à ses débuts, même s’i a joué déjà dans « Ma femme est une actrice » et « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants », s’avère cohérent et touchant même s’il manque encore parfois de justesse. La véritable bonne surprise vient du jeune
Panayotis Pascot (Le Daim) qui sort de sa zone de confort, l’humour, pour nous offrir une composition toute en profondeur et en justesse, de cet enfant un peu oublié au milieu de ces caractères forts et envahissants.
En conclusion, « Mon chien stupide » est une adaptation du roman éponyme de Joe Fante, qui permet à Yvan Attal de continuer et peut-être même de conclure une exploration des sentiments et des liens familiaux qu’il avait déjà amorcé dans « Ma femme est une actrice » puis dans « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ». Le réalisateur signe une œuvre subtile et parfaitement assimilé des mots et des maux de l’écrivain, en le transposant de nos jours et dans une logique familiale, peut-être moins « Trash » mais tout aussi complexe.